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Mogadiscio accueille son premier concert public en 20 ans de guerre civile

Dans l'enceinte du Théâtre national, bâtiment criblé d'éclats de balles, le premier concert public de musiciens somaliens s'est joué à guichets fermés ce lundi, en 20 ans de guerre civile.

AFP - Sur une scène nue à ciel ouvert, entre des murs grêlés d'impacts de balles, le Théâtre national somalien vient de donner sa première représentation à Mogadiscio, après avoir été laissé pendant plus de 20 ans à l'abandon, à l'image de la Somalie privée d'Etat central depuis 1991.

Des centaines de spectateurs, pour la plupart membres des autorités somaliennes de transition ont pris place lundi dans le théâtre, vaste bâtiment construit par la Chine et partiellement détruit par deux décennies quasi-ininterrompues de combats et de bombardements dans la capitale somalienne.

Du toit, seule la charpente métallique a survécu. Dessous, ne subsistent que le béton des gradins et de la scène, brute, sans lumières ni cintres, ni décors, ni rideau. Devant, des chaises en plastique remplacent les sièges d'origine disparus.

Au fronton du bâtiment, malgré les lettres manquantes, on peut encore lire "The National Theatre".

"La Somalie a une tradition littéraire historique qui remonte à plus de 700 ans et je pense que reprendre ces traditions jouera un rôle dans le processus de paix", a déclaré le président somalien Sharif Cheik Ahmed, lors d'une cérémonie avant le début de la représentation.

La télévision nationale somalienne a retransmis en direct l'évènement de plusieurs heures, durant lequel se sont succédées chansons, musique, danses traditionnelles et une pièce écrite pour l'occasion décrivant les conseils avisés de parents à leurs enfants.

"J'avais l'habitude de venir à ce théâtre durant les jours heureux, quand il avait meilleur mine qu'aujourd'hui. J'espère que le théâtre retrouvera sa beauté", a déclaré le Premier ministre somalien Abduweli Mohamed Ali.

Premier pas vers un retour à la vie normale ou endroit dangereux

Le chef du gouvernement de transition (TFG) a estimé que la réouverture du théâtre avait été rendue possible par le retour de la "stabilité" dans la capitale somalienne. Les forces du TFG, épaulées par celles de l'Union africaine (UA), ont contraint en août dernier les shebab à abandonner leurs positions à Mogadiscio, y ramenant un calme relatif.

Pour certains habitants, la réouverture du théâtre ressemble à un premier pas vers un retour à une vie normale après des années de combats dans la capitale.

Abdirsak Ali, un habitant de Mogadiscio ayant assisté à la représentation s'est réjoui de ce "pas important vers le retour du divertissement. Les gens ont besoin de vie et d'amusement, pas juste de la violence permanente".

"Les traditions littéraires somaliennes étaient sur le point de s'éteindre totalement, mais désormais le théâtre a rouvert, les gens vont au moins avoir un endroit où se divertir", a de son côté estimé Adan Mohamed.

D'autres craignent cependant que le théâtre ne devienne une cible idéale pour les insurgés islamistes somaliens shebab qui, bousculés sur le terrain militaire, ont promis de multiplier les actions de guérilla et les attentats, notamment à Mogadiscio.

"Si le gouvernement est capable d'assurer la sécurité, c'est une bonne idée de rouvrir le théâtre national. Sinon l'endroit pourrait devenir une cible pour des kamikazes", a estimé Ismail Yasin, qui vit à côté du bâtiment.

"Pensez-vous qu'ils (les shebab) vont épargner un théâtre où des centaines de personnes regardent une pièce?", interroge Fadumo Moalim, mère de trois enfants, "je pense qu'il n'est pas raisonnable de réunir des gens en grand nombre, dans un endroit comme le Théâtre national".

Dans la nuit de lundi à mardi, les shebab ont en tout cas tiré plusieurs salves d'obus de mortier en direction du complexe Villa Somalia abritant le palais présidentiel, situé à quelques centaines de mètres du Théâtre national, sans faire de victimes.