logo

François Bayrou dénonce "une société française malade de ses divisions"

À cinq semaines du premier tour de la présidentielle, la fusillade meurtrière de Toulouse perturbe la campagne. Le candidat du MoDem qui, contrairement à d'autres, a décidé de poursuivre son programme, a dénoncé des stigmatisations.

"Face à la tragédie nationale que nous vivons, je suspends ma participation à la campagne présidentielle au moins jusqu’à mercredi." C’est par cette phrase que les internautes sont accueillis depuis lundi sur le site officiel de campagne du candidat Nicolas Sarkozy.

Exit la crise économique, la politique étrangère ou encore la lutte contre le chômage... La tuerie de Toulouse qui a fait 4 morts, dont 3 enfants, devant une école juive lundi 19 mars, a relégué la campagne présidentielle au second plan. François Hollande, Eva Joly et Marine Le Pen ont également donné un coup de frein à leur course à l’Elysée, en reportant leurs interventions télévisées, et en annulant leurs déplacements.

Mais tous les candidats à l’élection n’ont pas réagi de la sorte. François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon ont, eux, annoncé la poursuite de leur programme. Le centriste a jugé que "ce n'est pas avec une parenthèse de trois jours" qu'on mettra un terme au "climat d'intolérance croissant" dans le pays. "Il y a un degré de violence et de stigmatisation dans la société française qui est en train de grandir, c'est inacceptable", affirmait lundi 19 mars, le candidat du MoDem. 

Le candidat du Front de gauche a pour sa part qualifié ce choix d’"acte de résistance".

Une suspension symbolique

La suspension de la campagne présidentielle n’implique toutefois pas une absence de visibilité des candidats concernés. Mardi matin, François Hollande était l’invité de BFMTV/RMC Info, après s’être rendu la veille à Toulouse, tout comme Nicolas Sarkozy, qui y a prononcé une brève allocution.

Pour les analystes politiques, cette suspension apparaît surtout comme symbolique. Bruno Jeanbart, directeur général adjoint chez Opinion Way, considère que les candidats cherchent à éviter un spectacle de violence verbale comme ce fut le cas au cours des débats politiques ces derniers jours.

"Cette suspension ne durera de toute façon que peu de temps (le CSA a déclaré qu’il ne décompterait pas le temps de parole des candidats lundi et mardi, lorsque leurs propos se rapportent à l'événement, ndlr.) De plus, elle intervient dans un climat tendu entre les candidats, souvent critiqués pour leurs petites guerres intestines," souligne-t-il. L’occasion donc de se racheter une conduite en prônant des valeurs de responsabilité, d’union et de respect.

Selon Olivier Rouquan, politologue et enseignant-chercheur en science politique, le fait de mettre en suspens la campagne permet de neutraliser l’enjeu de ce drame en l’écartant de toute polémique. "L’occasion, ici, est de rappeler aux Français le socle commun de valeurs propres à la nation. Sans suspension, le risque est que l’évènement soit happé par le débat politicien," analyse-t-il.

Un respect des valeurs que François Bayrou a justement interrogé, estimant que la tuerie s’enracinait "dans l'état d'une société" malade de ses divisions, accusant les responsables politiques qui "montrent du doigt" en fonction "des origines" et font "flamber les passions".

Des conséquences sur la campagne

En 2002, année électorale, Paul Voise, un septuagénaire avait été roué de coups à son domicile par deux jeunes individus trois jours avant la présidentielle. Ce fait divers avait été à l’origine d’une vague d’indignation face à la délinquance et considéré par certains comme un élément ayant favorisé le bon score de Jean-Marie Le Pen lors de cette élection.

Plus récemment, en 2007, des affrontements entre usagers et forces de l’ordre, Gare du Nord à Paris, avaient donné lieu à une polémique gauche-droite, les socialistes, ayant été accusés de laxisme par l’UMP.

"Il y aura certainement un impact, admet Bruno Jeanbart, mais cela dépendra de l’issue de l’affaire. Le thème de la sécurité, peu présent depuis le début de la campagne, pourrait notamment ressurgir au centre du débat."

Le drame de Toulouse pourrait influer sur la campagne alors que les sondages d’opinion ont récemment enregistré une baisse d’intérêt de la population pour les débats politiques.