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L’armée prête à lancer l’assaut final sur le quartier de Baba Amr à Homs

Le quartier de Baba Amr à Homs est pilonné sans relâche depuis près de trois semaines. Le régime semble prêt à lancer l’offensive finale contre les rebelles. Une stratégie qui n’est pas sans rappeler la répression de la révolte de Hama en 1982.

Depuis près de trois semaines, la ville de Homs, surnommée par les insurgés la "capitale de la révolution", est le théâtre d’une offensive majeure de l’armée régulière syrienne. Quelque 250 obus et roquettes se sont abattus sur le quartier de Baba Amr, fief de la contestation situé dans le sud-ouest de la ville, dans la seule journée de mardi, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme, basé à Londres. La semaine dernière, un convoi de 56 chars et véhicules de transport de troupes ont afflué vers Homs, laissant craindre l’imminence d’une offensive massive pour soumettre le quartier. Ni l’approche de la conférence internationale des Amis de la Syrie en Tunisie vendredi 24 février ni le référendum constitutionnel, promis par Damas, deux jours plus tard, ne font fléchir le régime de Bachar al-Assad.

Ces trois dernières semaines, plusieurs centaines de personnes, principalement des civils, sont morts dans les bombardements à Homs. Ce 22 février, 24 civils et deux journalistes occidentaux – l’Américaine Marie Colvin et le Français Rémi Ochlik – ont été tués à Baba Amr, dans une nouvelle attaque des forces du régime. Un bilan établi mercredi par l’Observatoire syrien des droits de l’Homme fait état de 7 600 morts en Syrie depuis le début de l’insurrection, en mars 2011.

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"La ville de Homs est bombardée depuis 18 jours"

"Le régime est en train de se préparer à lancer l’offensive finale pour écraser les insurgés de Baba Amr qui est l’un des plus puissants foyers de la contestation en Syrie", assure Fabrice Balanche, directeur du Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée. Selon le chercheur, le pilonnage intensif du quartier de Baba Amr par l’armée régulière a pour objectif de le vider des civils afin d'isoler puis d'écraser les combattants rebelles. Ce quartier compte normalement 400 000 habitants mais les deux tiers d'entre eux sont désormais partis. Parmi ceux qui sont restés, se trouvent plusieurs centaines de combattants qui ont rejoint l’armée syrienne libre. "Près de 70 % du quartier a été détruit, témoigne la politologue Bassma Kodmani, membre du Conseil national syrien. Homs est devenu le maillon que le régime cherche à démolir à tout prix".

La même stratégie qu’à Hama en 1982

Pour Fabrice Balanche, l’offensive finale de l’armée régulière sur Homs est inéluctable. "Je pensais qu’elle aurait lieu avant la fin de l’année dernière, poursuit le politologue. Mais l’envoi d’observateurs de la Ligue arabe a donné un peu de répit aux insurgés. Et les Russes ont dû mettre la pression sur Damas : il aurait été difficile pour Moscou de continuer à soutenir le régime de Bachar al-Assad si un massacre similaire à celui de Hama en 1982 se reproduisait". Il y a trente ans, le régime de Hafez al-Assad, père du dirigeant actuel de la Syrie, matait dans le sang une insurrection menée dans la ville. Pendant près d’un mois, les forces armées ont assiégé et bombardé Hama, détruisant totalement un tiers de la ville et tuant entre 10 000 et 40 000 personnes selon les sources.

"La comparaison entre ce qu’il se passe à Homs et le massacre de Hama tient pourtant", estime le chercheur. Le politologue explique qu’à Homs, la tactique de l’armée est la même qu’à Hama en 1982 : "on laisse les insurgés se regrouper puis prendre possession de certains quartiers, dit-il. Ils pourrissent ensuite la vie des habitants de Homs en tirant sur ceux qui ne les soutiennent pas ouvertement – l’armée syrienne libre se conduit parfois à Homs avec la même cruauté que les forces du régime – et la population finit par rejeter l’insurrection". C’est ce moment-là que l’armée régulière choisit d’écraser la rébellion, avec l’aval d’une partie de la population. L’Armée régulière applique également cette stratégie dans d’autres villes syriennes, notamment à Rankous, dans le nord-est du pays, et à Idler, dans le sud.

"Je pense que le régime de Bachar al-Assad va militairement reprendre le contrôle du pays, dans les mois qui viennent, estime Fabrice Balanche. Le pays va être coupé en deux entre les pro et les anti-Assad. Les autorités veulent reprendre la main pour pouvoir négocier en position de force avec l’insurrection. Mais la guerre civile va continuer quoi qu’il se passe. Les gens ne croient plus aux réformes promises par le régime". Dimanche 26 février, un référendum sur une réforme de la Constitution est organisé, à l’issue de laquelle le multipartisme pourrait être instauré en Syrie. Le pays est dirigé d’une main de fer depuis 40 ans par la famille Assad. "La participation risque d’être très faible, prévient le politologue. Il s’agit en fait pour Bachar al-Assad de compter ses troupes alors qu’il a signé le divorce avec une grande partie de la population."