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Exposé à de lourdes sanctions économiques, l'Iran use de rétorsion à l'encontre des puissances occidentales qui s'opposent à la poursuite de son programme nucléaire. Mais n'hésite pas, parallèlement, à leur tendre la main...

Dimanche 19 février, l'Iran a annoncé qu’elle cessait toute livraison de son pétrole à la France et au Royaume-Uni. Une mesure qui constitue un cran supplémentaire dans la guerre d’usure que Téhéran et les puissances occidentales se livrent sur le nucléaire iranien. Pas de quoi alarmer, toutefois, les consommateurs des deux pays sanctionnés : le brut iranien représente à peine 3 % de la consommation hexagonale et Londres avait pratiquement stoppé ses achats d’hydrocarbures perses. Plus de bruit que de mal.

De fait, par cette micro-sanction, Téhéran entend surtout signifier son hostilité envers l’embargo pétrolier graduel que l’Union européenne (UE) a décidé d’imposer à l’Iran. Soupçonnée de vouloir se doter de l’arme atomique sous couvert d’un programme nucléaire civil, la République islamique semble davantage disposée à discuter qu'à se disputer...

Ce même 19 février, les autorités de Téhéran ont, en effet, fait savoir, par la voix du ministre des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, qu’elles souhaitaient une "reprise rapide des négociations" avec son interlocuteur, le fameux groupe 5+1 (États-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne et Allemagne) sur le dossier nucléaire. Pour le chef de la diplomatie iranienne, l’objectif étant de "trouver un mécanisme permettant une solution gagnant-gagnant pour les deux parties".

"Paroxysme de la crise"

Un geste apparent d’ouverture que certains observateurs imputent à la série de sanctions occidentales qui visent l'industrie pétrolière iranienne et la Banque centrale du pays. "Nous sommes arrivés au paroxysme de la crise iranienne, observe Bernard Hourcade, directeur de recherche spécialiste de l’Iran au sein du CNRS. Avec toutes ces mesures, l’Iran est touché au cœur et menace de se retrouver en dehors du monde économique. En cas de durcissement des sanctions pétrolières, la vente du brut, qui représente des milliards de dollars, s’effectuera via des réseaux parallèles. Or le Guide suprême, Ali Khamenei, ne veut pas céder le pays à des sociétés mafieuses. Il souhaite, bien évidemment, que l’État iranien soit dirigé correctement"

Accueillie avec prudence par les capitales européennes, cette nouvelle main tendue peine à dissiper les inquiétudes que les Occidentaux nourrissent à l’égard des projets nucléaires iraniens. Ce lundi, pour la seconde fois en moins d'un mois, un groupe d’experts dépêché par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) est arrivé à Téhéran pour tenter de lever le mystère entourant la nature du programme nucléaire des mollahs mais aussi pour discuter de "solutions diplomatiques à la question nucléaire".

"Guerre froide"

L’enjeu est de taille puisque, en cas d’échec des négociations, les tenants de l’option diplomatique éprouveraient alors toutes les peines du monde à disqualifier la solution militaire ardemment défendue par Israël. Depuis plusieurs mois en effet, l’État hébreu s’emploie à convaincre ses alliés occidentaux, États-Unis en tête, du bien-fondé de mener des frappes contre les installations nucléaires iraniennes. Sans réel succès pour l'instant.

À l’occasion d’une interview accordée ce dimanche à la chaîne CNN, le chef d’état-major interarmée américain, Martin Dempsey, a ainsi jugé "imprudente" et "prématurée" toute offensive militaire contre la République islamique. Même son de cloche du côté de Londres, qui estime qu'il ne serait pas "judicieux" de la part de Tel-Aviv d'intervenir contre Téhéran.

Ce dimanche également, sur le plateau de la BBC, le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a dit craindre qu’une intervention militaire israélienne ne puisse plonger la région dans une "guerre froide". "Notre approche 100 % diplomatique et économique vise à ramener l'Iran à la table des négociations", a indiqué le chef de la diplomatie britannique, même s'il a ajouté, non sans ambiguïté, qu'"aucune option ne [devait] être écartée".

Le 8 février, devant le Conseil représentatif des Institutions juives de France (CRIF), le président français, Nicolas Sarkozy, a pour sa part affirmé que dans ce dossier "la solution n'est jamais militaire, la solution est politique, la solution est diplomatique, la solution est dans les sanctions".

Le "leurre" iranien

Contraint à la patience, le gouvernement israélien ne cesse de rappeler l’urgence de la situation. Au début de février, le ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak, lançait : "Quiconque dit ‘plus tard’ pourrait découvrir que plus tard est trop tard". Une trop longue attente conduirait, pour lui, à "un Iran nucléarisé, et traiter avec un Iran nucléarisé serait beaucoup plus complexe, beaucoup plus dangereux et beaucoup plus coûteux en sang et en argent que de le stopper aujourd’hui."

Pour Bernard Hourcade, cependant, la menace iranienne brandie par l’État hébreu n’est qu’"un leurre". "Il n’y a aucun risque qu’Israël soit attaqué maintenant par l’Iran car ce n’est pas dans l’intérêt de Téhéran", affirme le chercheur qui voit poindre derrière les velléités bellicistes de Tel-Aviv la question palestinienne. "Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, veut ‘tuer’ Barack Obama politiquement car il craint qu’un second mandat à la tête des États-Unis ne le rende plus libre de faire davantage pression sur Israël à propos de la question des colonies dans les territoires palestiniens. Une opération militaire contre l’Iran aurait pour but de mettre l’actuel président américain en porte-à-faux. En bombardant l’Iran, Israël veut, en quelque sorte, ‘bombarder’ la Maison Blanche."