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Nouvelle cure de rigueur pour les Grecs, la crise sociale menace

Le Parlement grec vient d’adopter un sixième plan de rigueur particulièrement sévère. L’accumulation de cures d’austérité, jusqu'à présent peu efficaces pour résorber le déficit du pays, pourrait provoquer une crise sociale majeure.

Une nouvelle période de vache maigre s’annonce pour les Grecs. Un plan d’austérité particulièrement rigoureux – le sixième en deux ans – a été adopté dimanche 12 février par le Parlement, déclenchant la fureur de la population grecque. Ces mesures devraient permettre à la Grèce d'économiser 325 millions d’euros supplémentaires, condition exigée par Bruxelles pour débloquer une nouvelle tranche d'aide européenne de 130 milliards d’euros. "Un chantage", selon les manifestants rassemblés en masse à Athènes dimanche.
 
Les principales mesures du plan d'austérité
  • Santé : réduction des frais de dépense des médicaments et des heures supplémentaires pour les médecins hospitaliers
  • Salaire : réduction de 22% du salaire minimum, 32% pour le salaire minimum des jeunes de moins de 25 ans
  • Secteur militaire : coupe de 300 millions d’euros
  • Collectivités locales : suppression de 500 postes de maires, adjoints et autres personnels
  • Entreprises publiques : privatisation de parts publiques dans quatre entreprises
  • Fiscalité : augmentation des contrôles fiscaux

Poussés par leurs créanciers (Union européenne, Fonds monétaire international et Banque centrale européenne), les députés grecs viennent en effet de voter des mesures extrêmement difficiles à avaler pour la population grecque. Les salaires des fonctionnaires avaient déjà subi une réduction lors d'un précédent plan de rigueur. C’est désormais au tour du salariat privé de se serrer la ceinture pour "restaurer la compétitivité des entreprises grecques", comme le prônait le FMI en janvier : le salaire minimal devrait baisser de 22 % - il sera ainsi ramené à 586 euros brut sur 14 mois – et celui des jeunes de moins de 25 ans devrait être réduit de près d’un tiers. Les hausses automatiques de salaires, dont celles basées sur l’ancienneté, seront également supprimées. En outre, certaines pensions de retraite seront revues à la baisse.
 

"La mort de la Grèce"
 
La fonction publique pâtira également d'une nouvelle cure d’amaigrissement. Avant la fin de l’année, 15 000 salariés de la fonction publique seront placés dans une "réserve de main d’œuvre" et payés à 60 % de leur salaire de base. Ceux qui sont proches de l’âge de la retraite seront licenciés d’ici un an ou deux. Le "mémorandum" de politique économique prévoit également de réduire drastiquement les dépenses de santé, ce qui devrait se traduire par une réduction du nombre de médicaments remboursés et des heures supplémentaires effectuées par les médecins hospitaliers.
"Les députés s'apprêtent à voter des mesures qui vont conduire à la mort de la Grèce", s’est insurgé le célèbre compositeur hellénique Mikis Théodorakis, qui a joint sa voix à celle des manifestants dimanche à Athènes. "Le peuple grec ne va pas céder", a-t-il ajouté. Manolis Glezos, figure historique de la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, renchérit : "Ils n’ont aucune idée de ce que veut dire un soulèvement du peuple grec. Et le peuple grec, toutes idées politiques confondues, est en train de se soulever".
 
Dimanche, les Grecs ont manifesté en masse contre l’adoption d’un nouveau plan de rigueur. Ils étaient 80 000 à Athènes et 20 000 à Salonique (nord). Deux ans et demi de rigueur n’ont pas suffi pour amorcer un assainissement des finances du pays : la Grèce entre dans sa cinquième année consécutive de récession, le taux de chômage atteint désormais 21 % de la population active – contre 8 % en 2010, la frange la plus fragile de la population tend à se paupériser et, pire, la dette et le déficit du pays continuent à se creuser, laissant certains observateurs sceptiques quant à l’efficacité des mesures d’austérité.
 
Les pires violences depuis 2008
Dimanche, la colère des Grecs s’est manifestée par de violents affrontements entre contestataires et forces de l’ordre jusque tard dans la nuit. Aux gaz lacrymogènes tirés par les policiers, les manifestants ont répliqué par des jets de pierre, de morceaux de marbre et de cocktails Molotov. Plus d’une trentaine de manifestants et plusieurs dizaines de policiers ont été blessés. Plusieurs bâtiments – banques, boutiques de luxe, cinémas, cafés – ont été incendiés. Ce sont les pires violences qu’ait connues la Grèce depuis les émeutes de fin 2008, survenues après le décès d’un adolescent tué par un policier dans la banlieue d’Athènes. D’autres affrontements risquent fort d’éclater dans les jours et les semaines à venir. Alors que le climat est déjà extrêmement tendu, nombre d’analystes craignent que l’accumulation de plans d’austérité entraîne une explosion sociale : des affrontements de plus en plus violents et un débordement des grandes centrales syndicales.
 
"Je crains que les réactions de la population soient de plus en plus violentes, de plus en plus illégales et incontrôlables", déclare le sociologue Constantin Tsoukalas, professeur à l’Université d’Athènes, interrogé par le quotidien français "Libération". D’autant que selon un récent sondage de l'institut RASS, repris par Le quotidien français "Les Échos", 48 % des Grecs préfèrent la banqueroute à l'austérité et 38 % seulement acceptent de payer le prix du sauvetage de l'État. Le gouvernement, une coalition des partis conservateur, socialiste et d’extrême droite, est aujourd’hui décrédibilisé aux yeux d'une population dont 40 % préfèrent les petits partis de gauche – y compris le Parti communiste. Le 10 février, six membres de la coalition au pouvoir ont démissionné. À la crise de la dette et à la crise sociale s’ajoute désormais la crise politique.