Un an après le soulèvement populaire qui aboutit à la chute d'Hosni Moubarak, des milliers d'Égyptiens se sont à nouveau rassemblés Place Tahrir pour crier leur colère contre une révolution "inachevée".
REUTERS - Les Égyptiens ont convergé par dizaines de milliers mercredi sur la place Tahrir, au centre du Caire, et se sont rassemblés dans d'autres villes du pays pour marquer le premier anniversaire de la "révolution du Nil" dans un contexte d'incertitudes et de divisions face au rythme du processus de transition politique.
Un an après le soulèvement populaire qui a renversé Hosni Moubarak, le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui assure l'intérim dans la nouvelle Égypte, est soupçonné de chercher à s'accrocher au pouvoir.
Sous la pression de la rue, les militaires se sont engagés à restituer le pouvoir aux civils à l'issue d'une élection présidentielle avancée au mois de juin prochain, sans toutefois parvenir à convaincre l'ensemble des Égyptiens.
Bien décidés à faire entendre leurs voix, les manifestants pro-démocratie en pointe lors de la révolution du 25 janvier 2011 ont réclamé une nouvelle fois le départ immédiat du CSFA aux cris de "À bas le régime militaire" ou bien encore "La révolution jusqu'à la victoire".
"Le Conseil militaire, c'est Moubarak", dénonce Amr al Zamlout, un manifestant de 31 ans, arrivé dès mardi soir sur la place Tahrir, épicentre du mouvement de contestation il y a un an.
Mohamed Ismaïl, jeune contestataire de 27 ans rencontré au rassemblement organisé à Suez, ne dit pas autre chose : "Nous ne nous sommes pas réunis pour faire la fête mais pour manifester contre le conseil militaire et le sommer de quitter le pouvoir immédiatement et de le restituer aux civils", dit-il.
Levée de l'état d'urgence
Discrets lors des manifestations qui ont éclaté ces derniers mois, les Frères musulmans, dont le parti Liberté et Justice (PLJ) a remporté une victoire écrasante lors des premières élections législatives libres du pays, s'inquiètent d'une répétition du scénario de 2011.
Le chef de la confrérie musulmane, Mohamed Badie, s'est dit opposé la semaine dernière à l'émergence d'un nouveau mouvement de contestation contre l'armée.
"J'espère que nous serons tous rassemblés dans la joie de ce que nous avons accompli, pour conserver notre Égypte et répondre aux demandes de la révolution", a-t-il déclaré dans une interview à une chaîne de télévision égyptienne, Dream TV.
itIllustration mercredi à une extrémité de la place Tahrir où s'étaient regroupés les partisans de la confrérie islamiste. "Je suis très heureux de cet anniversaire du 25 janvier. Nous n'en avions jamais rêvé. La victoire de la révolution a été récompensée par le Parlement élu", se réjouit Khaled Mohamed, élu du PLJ, première force politique à l'Assemblée du peuple.
Aucun chiffre officiel n'a été communiqué sur l'ampleur des manifestations de ce mercredi. Mais certains témoins ont évoqué la présence de 150.000 personnes à Tahrir.
À la veille de l'anniversaire de la révolution, le maréchal Mohamed Hussein Tantaoui, président du CSFA, a insisté : "La nation et les forces armées ont un objectif : que l'Égypte devienne un Etat démocratique", a-t-il dit lors d'une allocution télévisée.
Il a annoncé la levée partielle de l'état d'urgence en vigueur depuis 1981, ajoutant sans plus de précisions que la mesure continuerait à s'appliquer aux cas de "brutalités".
"Il ne s'agit pas d'une véritable levée de l'état d'urgence", a aussitôt déploré Essam Sultan, député du parti islamiste modéré Wasat. "La loi sur le sujet parle de lever complètement ou d'appliquer complètement l'état d'urgence", a-t-il souligné.
"Justice pour les martyrs de la révolution"
Les États-Unis ont salué pour leur part les "étapes importantes" franchies par l'Égypte cette semaine en vue de "sa transition vers la démocratie".
"Si de nombreux défis restent à relever, l'Égypte a parcouru un long chemin au cours de l'année écoulée et nous espérons que tous les Égyptiens fêteront cet anniversaire dans l'esprit de paix et d'unité qui a prévalu en janvier 2011", dit la Maison Blanche dans un communiqué publié mardi soir.
Mercredi dans les rues du Caire, les appels à la "justice pour les martyrs de la révolution" semblaient au final l'un des seuls slogans consensuels parmi les manifestants de toute
obédience.
L'armée a gracié cette semaine quelque 2.000 personnes condamnées par des tribunaux militaires depuis la chute d'Hosni Moubarak, dont l'opposant Michael Nabil.
D'après un groupe de pression crée après la révolte, "No to Military Trials" ("Non aux tribunaux militaires"), la justice militaire a traité pas moins de 12 000 affaires depuis février.
Selon cette ONG, les condamnations ont été le plus souvent rendues à huis clos en l'absence d'avocats de la défense.
Répondant à l'une des principales revendications des manifestants, le président de la nouvelle Assemblée, Saad el Katatni, secrétaire général des Frères musulmans, a annoncé mardi que le Parlement allait mener sa propre enquête sur les violences de la révolution.
Hosni Moubarak, jugé depuis août notamment pour son implication dans la mort de 850 personnes lors des 18 journées révolutionnaires d'il y a un an, pourrait connaître quant à lui son sort dans un avenir proche.
Les procureurs ont requis la peine de mort. Le juge veut conclure le procès d'ici à la mi-février.