Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, s'est exprimé devant le Parlement sur le texte de loi condamnant la négation des génocides, voté mardi en France, le qualifiant de "nul et non avenu". Il promet des sanctions contre la France.
AFP - Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a qualifié de "raciste" mardi le texte de loi adopté la veille par le Sénat français pénalisant la négation du génocide arménien, sans cependant annoncer de riposte concrète dans l'attente de sa promulgation par Nicolas Sarkozy.
"La proposition (de loi) adoptée en France est ouvertement discriminatoire et raciste", a-t-il dit au Parlement devant les députés du Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste).
M. Erdogan a affirmé que cette loi est "entièrement nulle et non avenue" pour la Turquie et assuré que son pays imposera "étape par étape" les sanctions qu'elle a prévues contre la France, "sans nulle façon de faire marche arrière".
"Nous allons annoncer notre plan d'action en fonction des développements", a-t-il prévenu, affirmant que la "Turquie est encore dans une période de patience".
Le président français, qui a voulu ce texte de loi, provoquant une grave crise entre Ankara et Paris, a en principe 15 jours pour le promulguer.
Dans une lettre adressée le 18 janvier à Recep Tayyip Erdogan et rendue publique mardi par l'Elysée, le président français assure que ce texte "ne vise nullement un peuple ou un Etat particulier".
Il "forme le voeu que la Turquie voudra bien prendre la mesure des intérêts communs qui unissent nos deux pays et nos deux peuples".
M. Erdogan a utilisé un ton plus modéré qu'attendu et émis l'espoir que la France "réparera son erreur", s'en prenant surtout aux ambitions de Nicolas Sarkozy à l'orée des présidentielles de mai pour séduire l'électorat d'origine arménienne et non à la France en général, alliée d'Ankara au sein de l'Otan et partenaire stratégique commercial et politique.
Il a ainsi précisé que son gouvernement s'efforçait d'obtenir que des sénateurs français saisissent le Conseil constitutionnel pour obtenir l'annulation du texte de loi.
Le chef de l'Etat turc Abdullah Gül a lui aussi espéré que "60 sénateurs français feront une démarche" en faveur de l'annulation du texte.
Ainsi, un député du parti majoritaire UMP, Jacques Myard, opposé à la loi, va tenter de rassembler 60 signatures de députés pour saisir cette instance, a-t-il annoncé mardi.
Le Conseil constitutionnel peut censurer une loi qu'il juge contraire à la Constitution s'il est saisi par 60 députés, 60 sénateurs, le chef de l'Etat, le président de l'Assemblée nationale ou celui du Sénat.
"Nous sommes décidés avec un ami à faire circuler une saisine du Conseil constitutionnel, j'espère que nous serons soixante et nous allons l'adresser à l'ensemble des députés", a déclaré Jacques Myard.
Selon une source parlementaire, un autre député UMP, Michel Diefenbacher, président du groupe d'amitié avec la Turquie à l'Assemblée, est également à l'origine de cette initiative.
itPour l'instant, l'ambassadeur de Turquie restera à son poste à Paris mais Ankara, qui l'avait brièvement rappelé après un premier vote des députés français le 22 décembre, envisage cette fois de le rappeler sine die et de réduire son niveau de représentation en France lorsque le texte prendra force de loi, souligne-t-on de source informée.
Après le premier vote, Ankara avait annoncé le gel de la coopération politique et militaire avec la France, avertissant de nouvelles représailles.
Face à ces réactions, le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a appelé la Turquie au "sang-froid", et de tendre "la main" à ce "grand pays, cette grande puissance économique, politique".
L'Arménie a pour sa part salué mardi la "grandeur" et le "dévouement" de la France.
"La France a réaffirmé sa grandeur et son pouvoir, son dévouement pour les valeurs humaines universelles", a écrit le président arménien, Serge Sarkissian, dans une lettre à son homologue français, selon un communiqué publié sur le site de la présidence arménienne.
La loi sanctionne d'un an de prison et 45.000 euros d'amende la négation de tous les génocides reconnus par la France, dont celui des Arméniens.
La Turquie réfute le terme de génocide, même si elle reconnaît que des massacres ont été commis et que quelque 500.000 Arméniens ont péri en Anatolie entre 1915 et 1917, les Arméniens évoquant 1,5 million de morts.
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