
Les César, qui récompensent chaque année depuis 34 ans les meilleurs films, réalisateurs, acteurs et actrices du cinéma français, emboîtent, ce vendredi soir, le pas aux Oscars. Sur fond de polémique bien hexagonale.
Dès leur origine, les César se sont revendiqués comme la version française de la grand-messe hollywoodienne. S’il est vrai qu’à bien des égards les deux cérémonies se ressemblent, il apparaît toutefois que la fête annuelle du cinéma français reste, contrairement aux Oscars, l’occasion de défendre une certaine idée du 7e art.
Comme l'indique l’hebdomadaire culturel "Télérama" dans un article comparatif, le mode de scrutin choisi par les César est un moyen de "promouvoir une vision du cinéma contre une autre. 'La Graine et le mulet' versus 'La Môme' en 2008". "Séraphine" contre les "Ch'tis" en 2009 ?
La décision de l’Académie des César de ne retenir "Bienvenue chez les Ch’tis", la grande comédie de l’année plébiscitée par plus de 20 millions de spectateurs, uniquement dans la catégorie du meilleur scénario a fait les choux gras de la Toile, expression pour certains du mépris affiché des critiques pour les succès populaires.
"Quand on a du succès, ça crée une forme de jalousie. Les gens se disent : ‘Il a le succès, il a tout, il ne va pas non plus avoir les récompenses’", a confié à RTL Dany Boon, le scénariste, réalisateur, acteur et coproducteur du film qui brocarde gentiment les us et coutumes du nord de la France, tout en souhaitant qu’un prix soit désormais spécialement consacré à la comédie.
L’Académie semble avoir entendu l’appel puisqu’elle s'est d’ores et déjà engagée à récompenser la meilleure comédie dès 2010.
Polémique aux relents de lutte des classes
Au sein de la profession, les avis sont tranchés. L’acteur Jean Reno, qui avait lui-même souffert du manque de reconnaissance de ses confrères vis-à-vis de la comédie à succès "Les Visiteurs" en 1993, a approuvé la décision de Dany Boon de boycotter la cérémonie de vendredi.
De son côté, le réalisateur Luc Besson, qui n’est, d’ordinaire, pas le dernier à se plaindre du mauvais traitement que les critiques réservent à ses films, a donné tort à son confrère : "Il y a plein de postes où le film ne mérite pas d’être nommé", a-t-il déclaré sur la chaîne Canal+.
Sur les nombreux sites Web qui traitent du "cas ch’ti" depuis la mi-février, les internautes se déchaînent contre ce qu’ils considèrent comme un enjeu de lutte des classes, petit peuple contre bourgeois, parisiens contre provinciaux.
"Je trouve qu'encore une fois les César nous snobent et nous rappellent que nous ne sommes pas du même monde, a écrit Vlaams59, un internaute du Nord, sur le site de la revue Télé-2-semaines, le 25 février. Mais je leur rappellerai juste que les deux films français ayant fait le plus d'entrées au cinéma sont deux comédies (‘La Grande Vadrouille’ et ‘Bienvenue chez les Ch'tis’). Il serait temps que les ‘intellectuels’, comme ils s'appellent, réfléchissent et voient que la population préfère les films comiques populaires."
"Une illustration de plus du fossé entre grand public et élite ? Pas si simple", relativise le quotidien régional La Voix du Nord. "Des films populaires ayant rempli les salles figurent dans la compétition (‘Mesrine’, ‘Le Premier Jour du reste de ta vie’). Et personne n'a jamais crié au chef-d'œuvre en parlant des Ch'tis."
A quoi servent les César ?
Selon des études économiques menées aux Etats-Unis et citées par Télérama, le simple fait de faire partie de la sélection des Oscars est lucratif. Sans parler des revenus générés par le fait de gagner la récompense. Un phénomène qui se vérifie aussi aux César.
Difficile d’imaginer que c’est là la seule motivation de Dany Boon, l'acteur le mieux payé en France en 2008, grâce au jackpot de 26 millions d'euros de "Bienvenue chez les Ch'tis", selon un classement publié, jeudi, par Le Figaro.
"A quoi servent les César ?, s’interroge le blog Les Quotidiennes.. A récompenser des films qui ont trouvé leur public ? Ou à promouvoir des œuvres plus fragiles qui, sans coup de projecteur, passeraient inaperçues ?"
"Rappelons simplement au Ch’ti préféré des français qu’il existe bel et bien une cérémonie décernant des prix 'quantitatifs' mesurés sur le nombre d’entrées réalisées dans l’année. Les trophées du Film français qui, cette année, ont d’ailleurs honoré ‘Bienvenue chez les Ch'tis’ de leur Trophée des trophées", écrit Eléonore Guerra sur le site Comme au cinéma.com.
En attendant, Dany Boon a confirmé qu’il regarderait bien les César vendredi, comme 2,4 millions de Français l'année dernière. Mais devant sa télé.