Après la mort de quatre soldats français ce vendredi, Nicolas Sarkozy a annoncé la suspension des opérations de formation et d'aide au combat de l'armée française en Afghanistan. Des Taliban sont infiltrés dans l'armée afghane. Analyse.
Quatre soldats français ont été tués vendredi 20 janvier dans la vallée de Kapisa, dans l’est de l’Afghanistan. Ils ont été abattus par un membre de l’armée afghane à laquelle les forces françaises apportent leur appui. Le ministre de la Défense, Gérard Longuet, estime que l’attaque s’apparente à un assassinat et s’est immédiatement rendu sur place pour évaluer la situation des forces françaises.
Ce n’est pas la première fois que l’armée française est victime d’une telle agression. Le 29 décembre 2011, deux légionnaires français ont été tués par un soldat afghan dans l’est de l'Afghanistan. L’attaque avait été revendiquée par les Taliban qui avaient révélé que le tireur s’était enrôlé dans l’armée afghane dans cet unique but.
Contrairement à leur habitude, les rebelles n’ont pas revendiqué l'attaque de vendredi mais ont toutefois salué le geste du "soldat afghan patriote" dans un message sur le site "Voice of Jihad" (la voix du Jihad), l'un des de leurs outils de communication.
Spécialiste de politique internationale à France 24 et plus particulièrement de l’Afghanistan, Matthieu Mabin confirme que "les rebelles taliban ont de véritables réseaux infiltrés dans la police et l’armée". Il rappelle par ailleurs que selon une étude réalisée il y a un an par les forces de sécurités afghanes, 10% des effectifs de la police et de l’armée ont des liens avec les Taliban, familiaux ou idéologiques.
"Un problème systémique"
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Alors que d’autres contingents, notamment celui des Etats-Unis, ont également subi des attaques de l’armée afghane et que l’Otan continue de les qualifier de cas isolés, le New York Times publie vendredi 20 janvier un rapport confidentiel de l’organisation transatlantique qui remet en cause ces affirmations et révèle qu’il s’agit d’un "problème systémique". "Les altercations mortelles sont loin d'être rares et isolées, elles reflètent une menace systémique croissante", souligne le texte de 70 pages qui porte sur la période mai 2007-mai 2011 et intitulé "Une crise de confiance et d'incompatibilité culturelle". Les pertes dues à des attaques similaires à celles de vendredi représentent 6% du total des pertes de l'Otan sur la même période.
Suite au drame de vendredi, la confiance nécessaire à la coopération entre soldats français et afghans semble compromise. Le périmètre de la base française de Gwam, où l'attaque s'est produite, a d’ailleurs depuis été interdit aux forces de l'ordre afghanes.
Présentant ses vœux aux corps diplomatique, le président français Nicolas Sarkozy a annoncé la suspension des opérations de formation et d'aide au combat de l'armée française en Afghanistan. Pour Matthieu Mabin, cette annonce est "inattendue". Plus que cela, il va jusqu’à la qualifier de "tournant". "Annoncer la suspension des opérations et un retrait éventuel en cas d’incident similaire, c’est presque déclarer le départ", estime-t-il. Le journaliste remarque par ailleurs qu’alors que "la quasi-totalité des autres contingents ont essuyé des pertes dans des conditions similaires, aucune autre force de l’Otan n’a encore réagi de la sorte".
Possibilité d’un retrait anticipé du contingent français
itChercheur à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire, Guillaume Lasconjarias met en garde contre un départ trop rapide des troupes françaises d'Afghanistan, rappelant que tout retrait demande du temps. "Pour permettre un désengagement dans les conditions les plus sauves, il faut accentuer le travail de transition avec l’armée afghane", explique-t-il. Sur le terrain, les officiers français ont toujours souligné les risques d’un retrait précipité qui, au-delà d'un constat d'échec, pourrait s'avérer particulièrement dangereux pour les forces françaises qui sont confrontées dans l'est de l'Afghanistan à une forte opposition des insurgés.
La France compte actuellement 3 600 soldats en Afghanistan et ses pertes n'ont cessé de croître ces dernières années. Bien que 2011 ait été l’année la plus meurtrière pour l’armée française en Afghanistan avec 26 soldats tués, Nicolas Sarkozy s'en tenait jusqu'à présent au calendrier de la coalition internationale qui fixe à fin 2014 le retrait définitif des forces de combat de l'Otan.
Débuté en octobre 2011, avec le retour en France de 400 militaires, le retrait français devait se poursuivre avec le départ de 600 soldats supplémentaires en 2012, proportionnellement au retrait des troupes américaines annoncé en 2011.
Le président afghan Amid Karzaï doit effectuer le 27 janvier une visite à Paris au cours de laquelle il devrait évoquer la question de la suite des opérations françaises avec Nicolas Sarkozy.