Le Premier ministre, Lucas Papadémos, met en garde l'Union européenne et ses autres créanciers : si une partie du nouveau plan d'aide n'est pas débloquée avant mars, la Grèce risque la faillite.
On l’avait presque oublié. Le Premier ministre grec, Lucas Papadémos, a tenté mardi 3 janvier de rappeler le sort de son pays au bon souvenir des autres dirigeants de la zone euro en but actuellement avec leur propre crise de la dette. Il n’y est pas allé de main morte, estimant que si une partie de la nouvelle aide internationale de 130 milliards d’euros - décidée lors d’un sommet européen en octobre dernier - n’était pas débloquée avant mars, la Grèce “serait obligée de faire défaut” et de sortir de l’euro. Lucas Papadémos a ainsi donné une date butoir à ce que l’Europe essaie d’éviter depuis le premier plan d’aide internationale apportée à la Grèce en mai 2010.
Berceau de la crise actuelle des dettes souveraines, la Grèce ne va, en effet, “pas mieux
qu’il y a un an”, explique Céline Antonin, spécialiste de l’économie grecque à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). “En 2012, la Grèce va connaître sa cinquième année d’affilée de récession avec une baisse estimée du PIB de 3,5%”, prévoit-elle. En outre, le pays ne peut toujours pas emprunter de l’argent sur les marchés financiers et sa survie économique dépend exclusivement des prêts de l’Union européenne (UE) et du Fonds monétaire international (FMI).
Dans ce contexte, les représentants de la Troïka (UE, Banque centrale européenne et FMI) doivent retourner à Athènes le 16 janvier 2012 pour juger des efforts entrepris afin de réduire les déficits grecs. Une évaluation cruciale pour décider de débloquer l’aide internationale promise il y a trois mois. A cet égard, “les déclarations du Premier ministre grec sont une sorte de chantage pour dire que si son pays ne reçoit pas l’argent, la zone euro va droit au chaos”, a estimé au micro de la chaîne russe d’information internationale Russia Today Johan van Overtveldt, l'auteur belge de “La fin de l’euro”.
Le défi banquier
Reste que les risques que la Troïka refuse de débloquer une nouvelle tranche d'aide sont minces, même si “la Grèce n’a pas réussi à reduire les déficits autant que prévu en 2011”, juge Celine Antonin. “L’Europe et le FMI ont soutenu la Grèce jusqu’à présent, ils sont tombés d’accord sur un nouveau plan de sauvetage, ce serait paradoxal de refuser maintenant de mettre cet accord en pratique”, souligne l'économiste.
S’il n’y avait que le FMI et l’UE en jeu, la Grèce devrait donc passer le printemps sans trop d'inquiétude. Le problème est qu'Athènes doit aussi s’entendre avec ses créanciers privés, qui - d’après le plan élaboré en octobre 2011 - doivent abandonner quelque 50 milliards d’euros d'avoirs grecs. Problème : l’accord européen ne fixait pas les modalités de cette participation du privé à l'effort de sauvetage grec et, depuis lors, les négociations piétinent. Outre le fait que les banques et autres institutions financières européennes ne sont pas ravies de voir s'envoler ces créances, le fait qu'une partie d'entre elles soient grecques complique en effet la donne. Pour elles, renoncer aux dettes de l'Etat grec vient à remettre en cause leur survie et, par voie de conséquence, celle du tissu économique du pays.
Comme si cela ne suffisait pas, les partenaires sociaux mettent par ailleurs des bâtons dans les roues du gouvernement. Patronat et syndicats n'arrivent en effet pas à s'entendre sur les baisses de salaires demandées par le FMI et l'UE. Or, sans accord, les bailleurs internationaux pourraient bloquer le versement de la prochaine tranche d'aides... Un scénario qui conduirait le pays "à un danger immédiat de défaut (de paiement) incontrôlé", a averti Lucas Papadémos afin de mettre la pression sur les acteurs de cette négociation.
Toutefois, même si elle parvenait à sortir de cet écheveau, la Grèce ne verrait pas son horizon se dégager pour autant. La récession qui commence à s’installer en Europe a en effet pour conséquence de rendre le coût du soutien financier à la Grèce de plus en plus difficile à supporter pour les pays de la zone euro qui sont eux-mêmes contraints d'apurer leurs propres comptes. “Il faut que le second plan de sauvetage soit vraiment le dernier”, assure Céline Antonin. Le gouvernement grec parie sur un retour de la croissance en 2013, ce qui rendra plus facile la tâche de réduire les déficits.