
La cérémonie des obsèques du "cher leader" Kim Jong-il, retransmise en direct par la télévision d’État, a été parfaitement orchestrée par le parti unique au pouvoir. Décryptage de Juliette Morillot, spécialiste de la Corée du Nord.
La Corée du Nord a offert mercredi 28 décembre des funérailles spectaculaires à son "cher leader" Kim Jong-il, décédé le 17 décembre suite à "un grand épuisement mental et physique provoqué par ses tournées incessantes destinées à bâtir un pays prospère et puissant", selon la version officielle.
La télévision nationale a diffusé les images d’une cérémonie parfaitement orchestrée, qui s’est déroulée sous la neige à Pyongyang. La retransmission de ces obsèques a consacré une large place aux images de civils et militaires en larmes le long du trajet du convoi funéraire. Des pleurs souvent considérés comme exagérés, voire motivés par les autorités, mais que Juliette Morillot estime "sincères". "Cela peut paraître surprenant, mais je crois que ces pleurs sont sincères", explique à France 24 cette spécialiste de la Corée du Nord et journaliste au mensuel "La Revue".
"Hystérie collective"
"Il faut savoir que la Corée du Nord est un pays très fermé où la propagande bat son plein. De plus, les Coréens sont un peuple extrêmement expressif, on pleure, on montre ses sentiments, ce n’est pas du tout un peuple fermé dans son expression sentimentale", ajoute la journaliste.
Au-delà de ces scènes d’hystérie collective, les images de la télévision nord-coréenne apportent des enseignements sur les futurs dirigeants du pays. "Ce cortège était très bien orchestré, chaque personne était à sa place autour de cette limousine portant le cercueil recouvert d’un drapeau rouge avec une faucille, un marteau et un pinceau", analyse Juliette Morillot, qui précise que cet étendard est celui du parti au pouvoir et non du pays.
Aux premières loges se trouvait le fils de Kim Jong-il, Kim Jong-un, qui a succédé à son père à la tête de la Corée du Nord. Vêtu de noir, il est au centre du dispositif, "un symbole très fort" selon Juliette Morillot, qui rappelle qu’"en son temps, Kim Jong-il n’avait pas assisté aux funérailles de son père Kim Il-sung". Et d'ajouter: "C’est un message au peuple nord-coréen et à l’étranger : Kim Jong-un prend le pouvoir."
"Pas de rupture politique"
Aux côtés de l’héritier de la dynastie Kim se pressent les visages des hauts dignitaires qui vont compter dans les mois qui viennent. "Derrière lui, plusieurs dignitaires du régime, dont son oncle Jang Song-thaek, qui va agir comme un régent de Kim Jong-un et qui représente le parti, observe Juliette Morillot. A gauche de la limousine, on peut voir le général Ri Yong-ho, chef de l’armée, qui devance des hauts gradés."
Bien qu’il soit plus coutumier du monde occidental que son père – il a fait ses études en Suisse –, Kim Jong-un ne devrait toutefois pas mettre en place de profonds changements au début de son règne, selon la journaliste. "Le décès de Kim Jong-il n’était pas une surprise, il a choisi lui-même son successeur et il a tout bloqué. Son fils devrait donc suivre la même politique, avec peut-être une légère ouverture, avance-t-elle. La Corée du Nord est un pays qui s’ouvre à petits pas, mais il n’y aura pas, je pense, de rupture politique avec la mort de Kim Jong-il."