Pour le patronat français, la circulaire du 31 mai du ministre français de l'Intérieur visant à restreindre l'embauche d'étudiants étrangers diplômés nuit à la compétitivité des entreprises françaises.
Le ministre français de l’Intérieur, Claude Guéant, ne s’y attendait probablement pas. Même le Medef (Mouvement des Entreprises de France) s’est joint en début de semaine au concert de critiques contre la circulaire du 31 mai 2011 qui durcit les conditions d’embauche d’étudiants étrangers diplômés. L'organisation patronale craint, en effet, que ces “restrictions nuisent à la compétitivité des entreprises françaises”.
Claude Guéant en fossoyeur de la compétitivité ? L’attaque peut faire mal en cette période de crise économique. “Je pense que le Medef a raison, car cette circulaire concerne des étudiants très qualifiés qui sont débauchés par des grandes entreprises à des postes de management ou de conseil où les frontières n’ont pas d’importance”, juge François Héran, directeur de l’Institut national d’études démographiques (Ined) contacté par FRANCE 24. Le Medef ne dit, d’ailleurs, pas autre chose lorsqu’il souligne l’importance de la “connaissance des langues et des marchés étrangers” de ces jeunes diplômés.
Une manière de souligner que ces étudiants qualifiés ne prennent pas d’emplois aux Français alors que la motivation première de la circulaire Guéant était d’instaurer “une logique de préférence nationale” pour ces postes à responsabilité, selon François Héran. Pour ce démographe spécialiste des questions d’immigration, ce texte est non seulement “contraire à la rationalité économique”, mais il remet aussi en cause la philosophie de la loi de 2006 qui incarne la politique d’immigration choisie voulue par le ministre de l’Intérieur de l’époque... Nicolas Sarkozy. Un texte qui permettait aux étudiants étrangers d'être embauchés par les entreprises françaises s'ils remplissaient plusieurs critères tels qu'être titulaire d'un master ou d'un doctorat et de décrocher un travail dans un secteur correspondant aux études suivies.
L’attractivité de la France
"Depuis la loi de 2006, la principale ouverture pour l’immigration légale de travail était la filière des études qui concerne aujourd’hui 6 000 personnes en France. En demandant aux préfets d'être plus sélectifs, Claude Guéant explique que même cette immigration choisie est devenue une immigration subie”, assure François Héran.
Face à la grogne des étudiants et des critiques d’une centaine de personnalités dont l’ex-patronne d’Aréva, Anne Lauvergeon, le ministre de l’Enseignement supérieur, Laurent Wauquiez avait tenté, fin novembre, de minimiser l’impact de cette circulaire. Il avait expliqué qu’elle ne concernait que 500 étudiants étrangers auxquels les préfets avaient refusé le statut de salarié, et que 250 d'entre eux avaient finalement obtenu une réponse positive après réexamen de leur dossier. Mais cette étude au cas par cas voulue par le gouvernement est une fausse solution pour François Héran. “Les grandes entreprises qui veulent recruter ces étudiants à des postes à responsabilité ne peuvent pas se permettre de dépendre du bon vouloir de l’administration”, explique-t-il.
Il en va aussi de l’attrait de la France pour les étudiants étrangers. C’est en effet entre décembre et janvier que ces jeunes doivent décider dans quel pays ils vont étudier et la circulaire Guéant risque de ne pas jouer en faveur de l’Hexagone.