
Après de virulentes critiques à l’égard du Premier ministre, candidat aux législatives 2012 sur ses terres, Rachida Dati a provoqué la colère de membres du parti de la majorité. Portrait d’un personnage politique au parcours atypique.
La virulence de Rachida Dati dans la compétition qui l’oppose au candidat Fillon pour les législatives françaises de 2012 n’en finit plus d’agacer la majorité.
Mercredi 14 décembre, l’Union pour un mouvement populaire (UMP), par la voix de son secrétaire général Jean-François Copé, s’est ralliée à une candidature de François Fillon, après des mois de tergiversation.
Malgré le lobbying de certains ténors du parti, dont le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Laurent Wauquiez, l'eurodéputée Rachida Dati a échappé de justesse à l’exclusion de l'UMP. Le patron de la majorité serait finalement parvenu à un accord avec le Premier ministre pour ne pas éconduire l’ancienne garde des Sceaux du parti présidentiel. Propos démentis par l’entourage de François Fillon pour qui la question n’a pas encore été tranchée.
Ulcérée par la décision du chef du gouvernement de se présenter, comme elle, dans la 2e circonscription de Paris (englobant une partie des 5e, 6e et 7e arrondissements), Rachida Dati a publié dans le journal "Le Monde", lundi 12 décembre, une tribune assassine adressée à son rival. Elle y qualifie la candidature de ce dernier de "faute triste". L’actuelle maire du 7e arrondissement voit d’un mauvais œil l’arrivée sur ses terres, ou plutôt le "parachutage" de François Fillon.
Toutefois, cette bataille semble quelque peu désespérée au regard d’un sondage Ifop paru dimanche 11 décembre dans le "Journal Du Dimanche" : le Premier ministre obtiendrait 39 % des voix, contre 8% pour l'ancienne ministre de la Justice.
Une carrière mouvementée
Une nouvelle disgrâce pour l’ex-égérie de Nicolas Sarkozy. Contrainte et forcée par le chef de l’État de se présenter aux élections européennes en juin 2009, dans le but vraisemblable de l’éloigner de Paris, Dati avait dû quitter son poste de garde des Sceaux.
La présence, même mineure, sur la scène politique de l’eurodéputée serait-elle une épine dans le pied de l’UMP, à cinq mois de l’élection présidentielle ? Car la carrière politique de l’intéressée a été émaillée de petits scandales, et un certain mystère enrobe son parcours universitaire.
Née de parents immigrés, elle passe par la case magistrate avant de devenir la première femme d’origine maghrébine et musulmane à la tête du ministère de la justice. En 2007, alors porte-parole de la campagne de Nicolas Sarkozy, Rachida Dati attire les projecteurs, et devient, après l’élection, l’une des figures emblématiques du gouvernement de la diversité prôné par le nouveau président.
Durant son mandat de ministre, elle est la cible d’une fronde de la magistrature qui se mobilise contre sa politique, notamment la réforme de la carte judiciaire. Au poste de député européenne, elle brille, à plusieurs reprises, par son côté indiscipliné et nonchalant. Fin 2009, un "Je n’en peux plus", lâché lors d’une conversation téléphonique privée au Parlement européen, met au jour sa lassitude et son isolement du pouvoir.
Réputée capricieuse, exigeante et autoritaire, l’ex-protégée du président entretient une relation d’amour-haine avec ce dernier. En 2010, Nicolas Sarkozy, vraisemblablement mécontent de l’une de ses apparitions dans les médias après une absence remarquée durant la campagne des régionales, lui confisque la voiture de fonction ainsi que l’escorte dévolues aux membres du gouvernement.
Le mystère Dati
Mise au ban de la politique nationale française, celle dont les ambitions politiques ne font pas de doutes, ferait preuve d’une grande incompétence. "Du temps où elle travaillait au gouvernement, elle n’avait pas la réputation d’être travailleuse, ni de connaître ses dossiers", selon la journaliste Jacqueline Rémy, auteure d’une biographie non autorisée "elle est devenue le symbole de la méritocratie républicaine, alors que pas grand chose dans sa vie, à part son formidable culot, ne justifie ce titre," poursuit-elle.
Selon l’écrivain, le mystère qui entoure cette femme belle, drôle, parfois très sympathique, reste entier. Et quel meilleur exemple pour illustrer cette part d’ombre que la naissance de sa fille Zohra, en janvier 2009, dont l’identité du père n’a toujours pas été révélée, donnant libre court à mille hypothèses.
Dans un registre plus général, Jacqueline Rémy commente : "sa carrière est aussi le fruit d’une longue suite d’intrigues. Sur beaucoup de points, sa vraie vie ne correspond pas à la légende qu’elle a tissée. "
Rachida Dati aurait-elle perdu son aura ? Incontrôlable, l’ancienne ministre serait "au fond fragile", conclut la biographe.
Du rimmel et des larmes, de Jacqueline Rémy, Edition Le Seuil, 2009