Les Ivoiriens votent dimanche à l’occasion des premières élections législatives depuis l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara. Mais le scrutin, marqué par le boycott de l’opposition, peine à mobiliser dans un pays toujours profondément divisé.
Un peu plus d’un an après la présidentielle du 28 novembre 2010, les Ivoiriens sont de nouveau appelés aux urnes dimanche pour élire leurs députés. Dans un pays qui se remet doucement de la crise qui avait ensanglanté le pays dans les semaines ayant suivi le scrutin présidentiel, cette nouvelle échéance électorale peine à mobiliser la population.
Stanislas Ndayishimiye, correspondant de RFI en Côte d’Ivoire, décrit une campagne sur mode "confidentiel". "On n’a pas l’impression qu’une campagne électorale est en cours. Rien à voir avec l‘élection présidentielle de l’année dernière, où le pays tout entier était mobilisé. Il y a peu d’affiches de candidats dans les rues et chaque candidat fait sa petite campagne dans son coin, même ceux investis par les grands partis".
Si les gens se sentent peu concernés par cette campagne électorale, qui s’est ouverte officiellement le 3 décembre, c’est principalement en raison du retrait du Front populaire ivoirien (FPI), qui a décidé de boycotter le scrutin suite au transfèrement, fin novembre, de son ancien leader Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale (CPI). L’ancien chef de l’État ivoirien est soupçonné de crimes contre l'humanité, commis durant la crise post-électorale de décembre 2010-avril 2011. À défaut d’adversaire digne de ce nom, le camp du nouveau président Alassane Ouattara devrait facilement remporter les législatives.
"De fait, le principal enjeu de ce scrutin est le taux de participation", indique Stanislas Ndayishimiye. "Si, comme prévu, l’abstention approche les 50 %, cela démontrerait un désintérêt manifeste de la part de la population, qui avait voté à près de 80 % pour la dernière présidentielle", analyse-t-il.
Ce scrutin devrait par ailleurs permettre d’établir le rapport de force entre les grands partis politiques du pays. Bien qu’ils gouvernent déjà ensemble, le parti du chef de l'État, le Rassemblement des républicains (RDR) et celui de l’ancien président Henri Konan Bédié, le Parti démocratique de Côte d’ivoire (PDCI), devraient se disputer le leadership. "Même s’ils ne se font pas face frontalement, c’est une bataille à fleuret moucheté entre les deux principaux partis en lice", estime Stanislas Ndayishimiye.
"Seule une justice réelle dans le pays pourra éviter de nouveaux troubles"
La Côte d’Ivoire, premier pays exportateur de cacao au monde, a connu une période de relative stabilité ces derniers mois, accompagnée d’un début de reprise économique. Le patron de la force de l’ONU en Côte d’Ivoire (Onuci), Bert Koenders, a ainsi formulé le vœu de voir ces élections représenter "une étape dans la réconciliation".
Un optimisme que ne partage pas totalement Salvatore Saguès, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International. Pour lui, "rebâtir le pays ne passe pas uniquement par l’élection d’un nouveau Parlement et la nomination d’un nouveau gouvernement, il faut que la justice s’impose à tous et notamment aux vainqueurs".
De nombreux Ivoiriens estiment en effet que seuls des partisans de Laurent Gbagbo ont été inquiétés par la justice suite aux mois d’affrontements post-électoraux qui ont embrasé le pays l’année dernière. Des violences au cours desquelles les deux camps sont accusés d’avoir commis des exactions à l'encontre des populations civiles.
"Le transfert de Laurent Gbagbo devant la CPI est une bonne nouvelle, mais aucune réconciliation n’est possible si la justice n’est pas rendue des deux côtés", souligne Salvatore Saguès, selon qui "à long terme, seule une justice réelle dans le pays pourra éviter de nouveaux troubles".
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Malgré le calme apparent dans le pays, les tensions restent vives sur le terrain. Trois personnes ont été tuées mercredi 7 décembre par un tir de roquette à Grand-Lahou, dans le sud du pays.