
Les provinces du Nord et du Sud-Kivu sont toujours en proie à la violence, malgré les promesses de Joseph Kabila, après son élection en 2006. Reportage de nos envoyés spéciaux dans un camp de réfugiés, à Masisi, dans le Nord-Kivu.
En 2006, Joseph Kabila avait promis la pacification et la sécurisation des provinces du Nord et du Sud-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), en proie à des violences depuis de nombreuses années. Le gouvernement affirme aujourd’hui que la situation s’est largement améliorée. Mais cette région, située aux confins du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi, est toujours à la merci de groupes armés congolais et étrangers qui sèment la terreur chez les civils. Selon l’ONU, plus de 500 000 civils ont fui leurs villages d’origine.
À l’image d’Alice Ndole. Mère de cinq enfants, elle vit de la vente de petit bois qu’elle ramasse et qu'elle vend sur le marché. En août dernier, elle a dû fuir son village. Elle s’est réfugiée dans un camp à Masisi, à quelques dizaines de kilomètres de sa maison. "Des hommes armés sont arrivés, ils voulaient nous tuer et piller notre maison, témoigne-t-elle au micro de France 24. À un moment, alors qu’on fuyait, ils ont tiré sur mon oncle paternel, ils ont tiré plusieurs fois".
"Ils sont venus la nuit et ils ont pillé notre maison"
Une histoire tristement banale sous l’abri de fortune qu’elle partage avec plusieurs dizaines de personnes. "Ils [des hommes armés] sont venus la nuit, ils ont pillé notre maison et ont menacé de nous frapper. Il a fallu prendre la fuite", raconte à son tour un vieil homme, Magari Mpozimbizi, vêtu d’une simple veste, malgré le froid. Car sous cette simple tente en toile, les températures et les intempéries sont d’autres menaces que ces réfugiés doivent à présent combattre.
Le camp de Masisi est saturé. Il ne reste plus aucune place pour les nouveaux arrivants qui ne cessent d’y affluer. Les premiers arrivés ont fini par construire des abris en bois, donnant au camp des allures de bidonville. Les allées boueuses sont bordées de tentes faites de lourdes toiles distribuées par les ONG, parfois agrémentées de bouts de tôle ou de bois. Ruth Mukamurenzi est arrivée en 2007. Agée et fatiguée, elle ne nourrit plus vraiment l’espoir que la situation s’améliore et qu’elle puisse rentrer chez elle. Pour elle, les élections du 28 novembre ne vont rien changer. "En 2006, il y a eu des élections, et les gens ont continué à être déplacés à cause des guerres. En 2011, il y a encore des élections… Mais j’ai peur que rien ne change", déclare-t-elle, la mine résignée.
Les provinces du Nord et du Sud-Kivu ont été au cœur de la première puis de la deuxième guerre du Congo, qui a impliqué, entre 1996 et 2003, plusieurs pays frontaliers de ces régions. Malgré l’accord de paix signé en 2003 à Luanda, mettant fin au conflit, les deux Kivu sont restés en proie à de violents affrontements jusqu’en 2009, notamment entre l’armée régulière congolaise et la milice d’un colonel dissident. Des groupes armés rwandais, ougandais et congolais continuent aujourd’hui de sévir dans la région. Les populations civiles ont payé un lourd tribut au cours de ces différents conflits : en plus de millions de personnes mortes ou déplacées, le viol, utilisé comme arme de guerre lors de la deuxième guerre du Congo, demeure une pratique courante dans la région.