À quelques jours de la présidentielle et des législatives, la République démocratique du Congo se démène pour assurer la bonne tenue du scrutin. Un véritable défi : il faudra ainsi livrer à temps 186 000 urnes et 64 millions de bulletins de vote...
Les électeurs de République démocratique du Congo sont appelés aux urnes lundi 28 novembre pour élire le prochain président et renouveler le Parlement. Un scrutin placé sous le signe de la démesure, dans un pays presque aussi vaste que l’Europe occidentale et dont le réseau routier est vétuste et limité.
La commission électorale s’est donnée jusqu’à vendredi 25 novembre pour assurer la livraison des 186 000 urnes et des 64 millions de bulletins de vote dans les onze provinces que compte le pays. Un véritable défi pour la Commission électorale nationale indépendante (Céni), qui a loué des dizaines d’avions auprès de compagnies privées pour assurer les livraisons.
"D’après mes informations, l’ensemble du matériel électoral n’a pas encore été livré, notamment dans les zones reculées", explique Thierry Vircoulon, directeur d'International Crisis Group (ICG) pour l'Afrique centrale. Des problèmes logistiques qui pourraient retarder la date de clôture du scrutin, selon lui: "Même si le vote commence bien à la date prévu, il pourrait bien être étendu sur plusieurs jours."
Manque de transparence
Des observateurs de l’Union européenne (UE) ont été dépêchés aux quatre coins du pays pour surveiller la bonne tenue de ce deuxième scrutin présidentiel depuis les accords de paix de 2003, qui avaient mis fin à la deuxième guerre du Congo. Epaulée par du personnel de l’ONU et du Centre Carter, la Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE UE) doit s’assurer de l’impartialité des processus de vote. Mais sa tâche s’annonce difficile, la Céni ayant dénombré pas de moins de 64 000 bureaux de vote…
itLa Céni est elle aussi sous le feu des critiques depuis le début de la campagne, l’opposition lui reprochant notamment la proximité de son président avec l’actuel chef de l’État, Joseph Kabila, qui brigue un nouveau mandat.
"Il y a un problème de transparence concernant la Céni, reconnaît Thierry Vircoulon. Les deux principales critiques qui lui sont adressées portent sur la fiabilité des fichiers électoraux et sur la cartographie des bureaux de vote, finalisée au cours de l’été. Dès le mois de septembre, l’opposition a demandé un audit de ces données cartographiques, mais faute d’accord avec la Commission électorale, il n’a pas eu lieu et les fichiers sont considérés comme suspicieux."
Crainte de violences
Si le déroulement du vote s’annonce délicat, le dépouillement devrait l’être tout autant. "On estime qu’il faudra 15 jours pour obtenir le résultat de la présidentielle tandis que celui des législatives ne devrait pas être connu avant Noël", prédit Thierry Vircoulon, qui invite les observateurs à demeurer sur place le temps que le processus arrive à son terme.
Des délais importants qui font craindre une flambée des violences, comme en 2006 lors de la dernière campagne électorale. Des affrontements avaient alors opposé des partisans de Joseph Kabila et de son rival Jean-Pierre Bemba, aujourd’hui emprisonné à La Haye où il est poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité devant la Cour pénale internationale (CPI).
Le président sortant, Joseph Kabila, est cette fois confronté à dix prétendants, qui bénéficient de forts ancrages locaux et ethniques. Mais après dix ans de règne, il compte sur les divisions au sein de l’opposition et sur sa réforme électorale de janvier 2011, instaurant un scrutin uninominal à un tour, pour se faire réélire.