![Aux pays émergents, Airbus et Boeing reconnaissants Aux pays émergents, Airbus et Boeing reconnaissants](/data/posts/2022/07/16/1657992721_Aux-pays-emergents-Airbus-et-Boeing-reconnaissants.jpg)
La méga-commande indonésienne passée à Boeing en est l'illustration la plus récente : l'Asie et les pays émergents soutiennent à bras le corps la croissance d'Airbus et de Boeing. Mais pour combien de temps encore ?
L’Indonésie vient de rentrer dans l’histoire de l’aviation commerciale. Sa compagnie nationale, Lion Air, a passé à Boeing la plus importante commande d’avions jamais enregistrée par le géant américain. Elle va lui acheter 230 modèles moyen-courrier 737 pour un montant record de 21,7 milliards de dollars. Une bonne nouvelle pour Boeing qui illustre surtout la place stratégique occupée par les pays asiatiques sur le marché aéronautique.
“Grâce aux pays asiatiques et autres marchés émergents [Amérique du Sud, Moyen-Orient, NDLR], Boeing et Airbus n’ont pas ressenti les effets de la crise économique mondiale”, confirme à FRANCE 24 Marc Ivaldi, économiste spécialisé dans l’économie de la concurrence et les moyens de transport à l’École d’économie de Toulouse. En Asie, avec ses deux mastodontes que sont la Chine et l’Inde, le trafic progresse depuis plusieurs années de 7 % par an. L’Amérique du Sud tire également le marché vers le haut grâce à une hausse de 6,5 % du nombre de passagers par an, d’après le rapport annuel 2011 sur l’état du secteur de Boeing. Face à ces locomotives, l’Amérique du Nord et l’Europe font piètre figure avec un trafic respectivement en hausse de 2,3 % et 4 %.
Cet engouement des pays émergents pour l’avion s’est traduit, en 2010, par une hausse de 30 % des commandes passées à Boeing et à Airbus par rapport à 2009. Un appétit qui met du baume au cœur des deux constructeurs qui osent croire que cette tendance perdurera jusqu’en 2030. Dans les 20 prochaines années, plus de 30 000 nouveaux avions commerciaux seront, selon eux, commandées - dont la moitié par des compagnies de pays émergents - pour un montant total de 4 000 milliards de dollars.
“Il suffit de regarder la croissance économique et le boom démographique dans ces pays pour comprendre qu’il y a et va avoir des besoins de plus en plus important de transports que ce soit pour des raisons professionnelles ou touristiques”, explique Marc Ivaldi. Cet économiste souligne également que l’essor des compagnies des pays du Golfe, telles que Emirates (Dubai) ou Etihad (Abu Dhabi), s’explique par la position stratégique de ces pays pour le trafic entre l’Europe et l’Asie.
Concurrents chinois ou brésiliens
Conscients de l’importance grandissante des pays émergents, les constructeurs tiennent ainsi compte des spécificités de ces zones géographiques lors du développement de leurs avions. “L’anticipation de l’évolution du marché asiatique a clairement influencé Airbus pour la construction de l’A380”, assure Marc Ivaldi. Cet avion capable de transporter beaucoup de passagers est, selon ce spécialiste, parfaitement adapté aux gros aéroports asiatiques qui drainent chaque jour un important trafic.
A priori, la croissance insolente des pays émergents est donc une bénédiction pour les transporteurs américains et européens. “Cela a permis de conserver, voire créer, des emplois et de prouver que la mondialisation n’est pas toujours mauvaise pour l’emploi dans les pays occidentaux”, note Marc Ivaldi. Mais l’avenir pourrait ne pas être aussi rose car les pays émergents ne vont pas rester les bras croisés à dépenser sans compter pour enrichir les avionneurs des pays dits "développés".
Des concurrents locaux à la domination d'Airbus et de Boeing commencent à émerger. Ainsi, le premier avion commercial chinois devrait sortir des usines de la Commercial Aircraft Corp of China (Comac, créée en 2008) en 2016 ou 2017. Au Brésil, le constructeur Embrear occupe déjà la troisième position au niveau mondial. Ces concurrents se concentrent sur les courts et moyens-courriers, qui représentent actuellement près de 70 % du trafic aérien.
Mais ces groupes “sont loin d’avoir le niveau technologique d’Airbus et de Boeing”, assure Marc Ivaldi. Pour ce dernier, les deux poids lourds du secteur profitent d’ailleurs de la manne financière actuelle venue des pays émergents “pour investir dans l’utilisation de nouveaux matériaux comme le carbone ou la mise au point d’appareils qui consomment moins de carburant”. En d’autres termes, grâce à l’argent chinois, indien, indonésien ou encore brésilien, Boeing et Airbus cherchent actuellement à se mettre à l’abri de la concurrence future de ces pays.
Crédit : JohnRawlinson/Flickr