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Le gouvernement Papadémos confronté à la grogne de la rue

Le traditionnel défilé-anniversaire, commémorant le soulèvement étudiant de 1973, a tourné au rassemblement contre l'austérité jeudi à Athènes, où 50 000 manifestants ont défilé. Policiers et casseurs se sont affrontés en marge des cortèges.

REUTERS - La police a fait usage de gaz lacrymogène jeudi à Athènes pour disperser des casseurs, en marge d'un vaste rassemblement contre les nouvelles mesures d'austérité que le gouvernement grec d'union nationale tout juste formé s'apprête à mettre en oeuvre.

Aux cris de "UE, FMI dehors !", 50.000 personnes ont défilé dans le centre de la capitale pour une manifestation en forme d'avertissement au gouvernement de Lucas Papadémos, qui a obtenu la veille la confiance du Parlement.

Le défilé coïncidait avec l'anniversaire du soulèvement étudiant contre le régime des colonels en 1973, dont les commémorations tournent souvent à la mobilisation antigouvernementale.

Cette année, les syndicats voulaient en faire une démonstration de force pour amener le nouveau chef du gouvernement à renoncer à la rigueur qui, selon eux, a plongé la Grèce dans "une spirale morbide".

"Ils ont réduit ma retraite deux fois. Ce Papadémos est pire que son prédécesseur. C'est un banquier. S'il ose prendre de nouvelles mesures d'austérité, on le mettra dehors", avertit Xeni Kolen, un manifestants de 64 ans.

Jets de pierres et de cocktails molotov ont visé les forces de l'ordre, qui ont procédé à plusieurs dizaines d'arrestations. La police a toutefois estimé que le défilé s'était globalement déroulé dans le calme, ajoutant que les manifestants s'étaient dispersés sans incidents. Un rassemblement plus modeste a eu lieu à Thessalonique.

A Athènes, les établissements scolaires et de nombreuses entreprises sont restés portes closes. La circulation a en outre été très perturbée dans les transports publics.

Près de trois quarts de Grecs, selon des sondages, sont favorables au nouveau Premier ministre, mais l'ancien vice-président de la Banque centrale européenne aura fort à faire pour assurer la cohésion de l'équipe de crise qui réunit le Parti socialiste (Pasok), Nouvelle Démocratie (ND, convervateurs) et le parti d'extrême droite LAOS.

"Les Grecs, en particulier les jeunes, peuvent surmonter la crise et atteindre les objectifs nationaux s'ils sont unis et s'ils agissent de façon décisive", a-t-il déclaré jeudi à la tribune du Parlement, évoquant le soulèvement de 1973, qui a précipité la chute de la dictature.

Légitimité contestée

Malgré ses appels à la cohésion, des lignes de fracture commencent d'ores et déjà à apparaître dans son gouvernement.

Antonis Samaras, chef de file d'une Nouvelle démocratie portée par les sondages, a parlé d'une alliance de circonstance en attendant les élections législatives anticipées qui auront probablement lieu le 19 février.

Le dirigeant conservateur s'est attiré les foudres des partenaires européens d'Athènes en prônant depuis deux ans des mesures de relance à l'opposé de la rigueur mise en oeuvre par le socialiste George Papandréou.

"Nous tenterons d'obtenir une majorité absolue pour appliquer notre programme sans délai, sans tergiversations. Quand nous le pourrons, nous changerons tout ce qui doit être changé. Mais pour cela, nous aurons besoin d'un mandat fort issu des prochaines élections", dit-il dans un entretien publié jeudi par le magazine Epikera.

Nombreux sont ceux qui imputent la crise aux deux principaux partis, qui gouvernent la Grèce depuis la fin de la dictature, en 1974, coupables selon eux d'avoir laissé la dette souveraine échapper à tout contrôle. Avec 370 milliards d'euros, elle représente aujourd'hui 160% du produit intérieur brut.

S'il a le soutien de la majeure partie de l'opinion et de l'Union européenne, le gouvernement de crise de Lucas Papadémos n'est pas issu des urnes et souffre d'un déficit de légitimité.

"Je pense qu'il faut des élections maintenant, parce qu'il faut que ce gouvernement change. Il est anticonstitutionnel. Nous n'avons pas voté pour lui. Il ne nous représente pas", résume Vassilis Papadopoulos, un banquier interrogé parmi les manifestants.