
Le tribunal correctionnel de Nanterre a condamné le géant français de l'énergie EDF à verser 1,5 million d'euros à Greenpeace pour des actes de piratage informatique remontant à 2006. EDF a décidé de faire appel.
REUTERS - La société EDF a été condamnée jeudi à une amende pénale de 1,5 million d'euros pour le piratage informatique en 2006 des ordinateurs de Greenpeace.
Les deux plus hauts responsables de la sécurité du géant du nucléaire français ont en outre été frappés de prison ferme.
Par ses agissements, EDF et ses cadres ont "porté atteinte à l'Etat de droit et dévoyé les valeurs de la République", dit le tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine) dans son jugement.
Cette condamnation intervient alors que le Parti socialiste, dont le candidat, François Hollande, est l'actuel favori de l'élection présidentielle de 2012, négocie un contrat de gouvernement avec les écologistes sur une éventuelle sortie du nucléaire, à tout le moins une réduction.
Le tribunal de Nanterre a déclaré l'entreprise coupable de "complicité de piratage informatique" et de recel de documents confidentiels volés par un pirate informatique ou "hacker" sur l'ordinateur de Yannick Jadot, alors dirigeant de Greenpeace.
EDF est aussi condamné à verser 500.000 euros de dommages et intérêts à Greenpeace et 50.000 euros à Yannick Jadot, aujourd'hui porte-parole d'Eva Joly, candidate écologiste à la présidentielle.
Ce dernier considère ce jugement comme emblématique. "C'est le triple zéro d'EDF. Le nucléaire est une faillite industrielle, financière et clairement une faillite morale", a-t-il dit à Reuters.
EDF, qui nie toute responsabilité, va faire appel, a dit un des avocats de ses anciens cadres, Me Olivier Metzner. "Le tribunal a statué en pure morale, absolument pas en droit", a-t-il dit à la presse.
Lisant la décision, la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez, a jugé "impossible" que les deux anciens plus hauts responsables de la sécurité d'EDF, l'ancien policier Pierre-Paul François et l'ancien contre-amiral Pascal Durieux, aient agi seuls, comme le dit EDF.
Déclarés coupables, ils ont été condamnés à trois ans de prison, dont six mois fermes pour Pierre-Paul François et un an ferme pour Pascal Durieux. Ce dernier est frappé en outre de 10.000 euros d'amende.
Le cycliste Floyd Landis
Cinq autres prévenus sont condamnés à des peines de prison allant d'un an de prison avec sursis à un an ferme et des amendes, dont l'ex-champion cycliste américain Floyd Landis et son ancien manager Arnie Baker, absents et sanctionnés d'un an avec sursis.
L'affaire est apparue par hasard, à la suite d'une plainte du Laboratoire national de dépistage du dopage (LNDD), qui avait confondu par ses analyses Floyd Landis, vainqueur du Tour de France 2006 déchu pour dopage.
La police enquêtant sur le piratage des ordinateurs du LNDD est remontée jusqu'au cycliste, qui a selon le jugement commandité l'opération dans le but apparent de mener une manipulation pour discréditer le laboratoire et garder son titre. Il a finalement avoué plus tard s'être dopé mais ne s'est jamais présenté à la justice française.
C'est à partir de ce cas qu'un juge d'instruction, saisi d'une plainte du LNDD, est remonté jusqu'à Alain Quiros, un "hacker" (pirate informatique), et que la police a découvert l'ampleur de l'espionnage mené par ce dernier au profit de plusieurs grandes sociétés, dont EDF.
L'examen de son ordinateur a révélé qu'il avait piraté non seulement celui de Yannick Jadot, mais aussi celui de l'avocat Frédérik-Karel Canoy, conduisant au nom de petits actionnaires des procédures contre Vivendi.
Alain Quiros avait également piraté les ordinateurs de sociétés luxembourgeoises, Eurolux et Heine, intervenues dans le versement de commissions en marge de marchés d'armement, dont une vente de sous-marins au Pakistan en 1994, aujourd'hui au centre d'une enquête pour corruption présumée qui met en cause plusieurs proches de Nicolas Sarkozy.
EDF avait passé pour l'opération Greenpeace un contrat de "veille stratégique" en 2004 avec une société de renseignement privée, Kargus, un rideau de fumée, dit le tribunal. Thierry Lorho, ex-agent de la DGSE reconverti dans la privé et cheville ouvrière de l'affaire, est condamné à un an de prison ferme.