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Dans une interview accordée à FRANCE 24, Abdel Rahim al-Kib, Premier ministre par intérim de la Libye, revient sur le désarmement des milices armées, la nécessité du soutien international et l'avenir politique de la Libye inspiré par la Turquie.

Dans une interview exclusive accordée à FRANCE 24, Abdel Rahim al-Kib, Premier ministre par intérim de la Libye, évoque les nouveaux défis auxquels son pays est confronté, dont le désarmement des combattants de la révolution et le rôle de la religion dans la nouvelle Libye.

Des messages contradictoires sur le rôle de l’islam en Libye

Lors de son discours consacrant la libération de la Libye, le précédent Premier ministre, Moustapha Abdeljalil, a déclaré que la charia (loi coranique) serait la principale source du droit. L’annonce a semé le trouble au sein des démocraties occidentales qui surveillent étroitement le processus de transition politique dans le pays. "Ce n’est pas une possibilité dans mon esprit, dit-il. Si vous parlez d’islam moderne, dans lequel les gens sont accueillants et peuvent communiquer avec les autres tout en gardant leur foi, je n’y vois pas de mal."

Pour le Premier ministre libyen, la Turquie est l’exemple d’une nation qui a réussi à concilier avec succès foi islamique et modernité et dont la Libye pourrait s’inspirer. "La Turquie est un pays musulman, mais qui s’accorde bien avec l’Occident et les gens de religions différentes vivent ensemble, note-t-il. Ce n’est pas un problème pour nous."

La loi et l’ordre

Abdel Rahim al-Kib souligne la nécessité de faire preuve de patience vis-à-vis des rebelles armés qui errent à travers le pays. "Cette révolution a débuté quand les gens sont descendus dans la rue pour exprimer leurs sentiments et leurs opinions, pour demander la protection de leurs droits humains fondamentaux contre un régime brutal et meurtrier.

C’est le régime qui a transformé une révolution pacifique en une révolution armée, déclare-t-il. Notre gouvernement ne prendra pas de décisions hâtives pour créer des lois visant à empêcher les gens de posséder des armes, mais nous allons trouver le moyen de parler avec ces combattants de la liberté et ils ont été jusque-là relativement réceptifs."

Bien qu’il donne la "garantie" que le nouvel exécutif libyen sera en mesure d’obtenir des milices qu’elles déposent leurs armes, Al-Kib exprime le souhait d’y parvenir par des "programmes" plutôt que par la "force". "La majorité de ces personnes souhaitent déposer leurs armes, déclare Al-Kib. Beaucoup d’entre eux sont des médecins, beaucoup sont étudiants à l’université, beaucoup sont des hommes d’affaires qui veulent retrouver une vie normale."

L’aide internationale

Pour le Premier ministre intérimaire, la possibilité pour son gouvernement de localiser et d’assurer la sécurité des armes en Libye passe par le déblocage des avoirs du pays à l’étranger. "Beaucoup de pays nous ont soutenus pendant la révolution. Nous apprécions leur aide et leur patience, et je tiens à les remercier personnellement et à les remercier au nom du peuple libyen, explique-t-il. Mais nous souhaitons qu’ils comprennent que la mise en œuvre des programmes de réconciliation nationale et la reconversion des combattants de la libération nécessitent de l’argent. Nous avons ces actifs, mais ils sont gelés. Nous espérons donc que la communauté internationale travaille avec nous pour nous rendre notre argent."

Le retour de la violence ?

Al-Kib rejette l’éventualité de divisions régionales, religieuses et politiques qui conduiraient la Libye à un nouveau conflit violent. "J’ai lu ça dans les journaux et magazines internationaux, mais je n’observe pas la même chose qu’eux, insiste-t-il. Je vois la démocratie en pratique, je vois des gens qui viennent tout juste de gagner leur liberté. Je vois des gens qui n’avaient jamais utilisé d’arme et ont eu à s’en servir. Je vois des gens qui veulent revenir à leur vie d’avant."

Le Premier ministre a réitéré, cependant, que le soutien financier de la communauté internationale serait nécessaire pour maintenir la Libye sur le chemin de la paix. "Nous avons besoin de ces fonds pour créer des programmes de réconciliation et les mettre en œuvre. Nous ne pouvons pas dire à ces milices, par exemple : ‘Déposez vos armes et retournez au travail, mais nous n’avons pas les moyens de vous aider.’ Ce n’est pas réaliste. Nous avons besoin d’une aide considérable de la part de nos amis de la communauté internationale."