
Le Premier ministre grec, Georges Papandréou, a surpris l’Europe entière en annonçant mardi la tenue d’un référendum sur le plan de sauvetage européen adopté à Bruxelles le 27 octobre dernier. Sursaut démocratique ou calcul politique ?
En une journée, Georges Papandréou, le Premier ministre socialiste grec, est devenu l’homme capable de faire s’effondrer l’édifice bâti par les chefs d’État européens pour sauver la Grèce et la zone euro. Sa décision de soumettre au référendum - le premier depuis la chute de la dictature des généraux en 1974 - l’accord européen du 27 octobre, censé endiguer la contagion de la crise des dettes souveraines, a retenti comme un coup de théâtre, affolant les marchés financiers.
Dans l’hypothèse où les Grecs refusent le dernier plan de sauvetage européen lors de ce référendum - dont ni la date ni la question n’ont été fixées -, la conséquence pourrait être “un retour au drachme”, l'ancienne monnaie grecque, selon Spyros Economides, spécialiste de l’économie grecque à la London School of Economics, interrogé par FRANCE 24. Les efforts européens, développés à grand renfort de plans de soutien financiers, pour maintenir à tout prix la Grèce dans la zone euro seraient alors réduits à néant.
Pantin de la troïka
C’est surtout le moment choisi par Georges Papandréou pour annoncer un recours au référendum qui a le plus étonné les responsables européens. “Après de si longues négociations entre tous les chefs d’État européens pour arriver à un accord la semaine dernière, il est difficile de comprendre sa décision”, résume Spyros Economides. “Celà fait deux ans que le Premier ministre grec s’évertue à répondre aux recommandations du Fonds monétaire international (FMI) et de la zone euro, pourquoi se réveiller maintenant juste avant le sommet du G20 ?”, renchérit Céline Antonin, spécialiste de l’économie grecque à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), contactée par FRANCE 24.
Un "réveil" qui permettrait à Georges Papandréou, petit-fils du fondateur du Pasok [le parti socialiste, NDLR] et héritier de l’une des plus importantes familles politiques grecques, de ne plus apparaître seulement comme le pantin de la troïka (FMI, zone euro et Banque centrale européenne). Depuis début 2010, Georges Papandréou n’a eu en effet de cesse d’appliquer coup sur coup une série de mesures d’austérité sous la pression des autres pays de la zone euro et du FMI. Pourtant, ce socialiste "avait été élu en novembre 2009 sur un programme anti-austérité", rappelaient mardi Thomas Menay, historien à l’Université de Columbia, et Harrys Milonas, professeur associé en sciences politiques à l’Université Georges Washington sur le site de la chaîne américaine CNN.
L’idée d’une "rébellion" du Premier ministre grec envers ses "maîtres" est toutefois contestée par Spyros Economides. “La thèse selon laquelle Papandréou n’a été qu’une marionnette ne tient pas la route”, assure cet économiste qui note que “le programme de privatisation n’a pas été mis en place et les réformes fiscales demandées ne sont pas non plus à la hauteur”.
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Calcul politique
D’autres voient dans ce référendum un retour salutaire du processus démocratique dans la résolution de la crise. “La solidarité européenne ne peut pas s'exprimer uniquement entre chefs d'État, à Bruxelles, lors d’un conclave nocturne. Elle doit être validée de temps en temps par les citoyens”, affirme ainsi Le Figaro mercredi.
“Il est en effet honorable de vouloir donner la parole au peuple, mais il aurait été plus logique d’organiser des élections générales anticipées qui auraient permis de discuter des alternatives possibles à la politique menée par le gouvernement”, rétorque Spyros Economides. Une initiative bien risquée pour le Pasok fortement critiqué en Grèce pour ses plans d’austérité mis en œuvre.
Ce recours au référendum apparaît surtout comme une manœuvre de politique intérieure. "C’est un coup de poker d’un homme profondément impopulaire", juge Spyros Economides qui estime que "l’appel au référendum revient à choisir entre la politique de Georges Papandréaou ou le chaos d’une sortie de l’euro". Un ultimatum qui tombe à pic deux jours avant un vote de confiance crucial au Parlement où le Premier ministre ne dispose que d’une très mince majorité de cinq députés tout au plus.