Neuf mois après la chute de Ben Ali, les électeurs tunisiens se sont déplacés en nombre, dimanche, pour élire leur Assemblée constituante. "Aucune irrégularité majeure" à déplorer, selon la mission d’observation européenne.
"J'ai dû attendre quatre heures et demie pour voter, cette attente fut longue mais elle a été couronnée par un sentiment si jouissif quand j'ai mis mon bulletin de vote dans l'urne !" Comme "mimi mimi", une internaute qui s’est exprimée sur le site de FRANCE 24, les électeurs tunisiens se sont massivement rendus aux urnes ce dimanche pour élire leur Assemblée constituante, première élection libre organisée dans le pays depuis la fuite de Ben Ali. Deux heures avant la fermeture des bureaux de vote, le taux de participation était évalué à environ 70 % des personnes qui se sont inscrites sur les listes électorales cet été, selon Kamel Jendoubi, le président de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) chargé d’organisé le scrutin.
it"La Tunisie naît aujourd’hui"
Des files d’attente de plusieurs centaines de mètres se sont formées devant les bureaux de vote dès leur ouverture à 7h du matin (heure locale). "Devant un bureau de Tunis, un prof de science physique m’expliquait s’être levé à 5h du matin et avoir mis ses plus beaux habits pour l’occasion, ‘comme si c’était son premier jour d’école’", raconte Imed Bensaied, l’un des envoyés spéciaux de FRANCE 24 en Tunisie.
Neuf mois après le renversement de Zine el-Abidine Ben Ali, le 14 janvier, l’enjeu de cette journée historique - qui devait initialement être organisée le 24 juillet- était de choisir les 217 membres de l’Assemblée constituante qui sera chargée de rédiger la nouvelle Constitution du pays et de désigner un exécutif provisoire.
"La Tunisie naît aujourd’hui, le printemps arabe naît aujourd’hui", a déclaré pour sa part à Reuters Rached Ghannouchi, le fondateur du parti islamiste Ennahda ("renaissance", en arabe), considéré comme le grand favori du scrutin selon les sondages, dont une éventuelle victoire aux élections suscite l’inquiétude de tous les progressistes tunisiens. Ainsi, c’est sous les huées de plusieurs dizaines de personnes que celui-ci est sorti du bureau de vote, dans le quartier résidentiel d’El Menzah, dans l’agglomération de Tunis.
"Aucun parti ne s’intéresse à nos problèmes"
Les "Tunisiens semblent à la fois très fiers de participer à ce scrutin et en même temps un petit peu perdus devant les très nombreuses listes qui se présentent à eux", a constaté de son côté Sylvain Attal, autre envoyé spécial de FRANCE 24. Les électeurs devaient en effet départager 11 686 candidats répartis sur 1 517 listes présentées par une centaine de partis. "Nous avions l’habitude de ne pas avoir le choix, mais maintenant il y a tant de partis que nous ne savons pas qui choisir !", s'est ainsi exclamé un électeur un peu désemparé au micro de FRANCE 24.
Si la plupart des électeurs se sont mobilisés pour le scrutin, certains ont toutefois eu du mal à se passionner pour l’événement, ne voyant pas quel changement positif il pourrait leur apporter. C’est notamment le cas dans les régions les plus défavorisées du pays. "Je n’irai pas voter car aucun parti politique ne s’intéresse à nos problèmes", a par exemple affirmé un lycéen de Kasserine, dans le centre-ouest de la Tunisie, aux envoyés spéciaux de FRANCE 24, Adel Gastel et Jonathan Walsh.
Sécurisé par quelque 42 000 militaires et policiers, le scrutin s’est déroulé dans le calme. "Aucune irrégularité majeure" n’est à déplorer, a confié Michael Gaelher, le chef de la mission d'observation de l'Union européenne, à l’AFP. Les Tunisiens de France avaient, eux, été appelés à voter entre jeudi et samedi. L’annonce des résultats définitifs est attendue mardi après-midi, a annoncé le président de l’Isie lors d’une conférence de presse.
(Crédit photo : Imed Bensaied / FRANCE 24)