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Deux jours après la mort de Mouammar Kadhafi, Mahmoud Djibril, Premier ministre du Conseil national de transition libyen (CNT), exprime le souhait d'organiser des élections constituantes dans un délai de huit mois.

REUTERS - Alors que le corps de Mouammar Kadhafi n'est toujours pas inhumé, les autorités libyennes s'apprêtent à proclamer dimanche la "libération totale" du pays après sept mois de guerre civile.

A Misrata, qui a payé un lourd tribut lors du conflit, la dépouille de Mouammar Kadhafi se trouve toujours dans une chambre froide et continue d'attirer adversaires et curieux.

La famille Kadhafi, en exil, a demandé à récupérer le corps de l'ancien dictateur. Elle réclame que celui de Mouatassim, un des fils du guide défunt également tué jeudi, soit remis à une tribu de Syrte.

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à Misrata, tout le monde veut voir la dépouille de M. Kadhafi
Libérée de Kadhafi, la Libye pourrait se rendre aux urnes d'ici huit mois

Mais le Conseil national de transition (CNT, au pouvoir) souhaiterait que Kadhafi et son fils Moutassim soient inhumés en un lieu tenu secret, à l'inverse de l'ancien dictateur irakien Saddam Hussein inhumé près de sa ville natale de Tikrit, pour empêcher que son tombeau devienne un lieu de pélerinage.

A Benghazi, deuxième plus grande ville du pays et foyer de l'insurrection en février, les autorités préparent une déclaration solennelle prévue dimanche, qui proclamera la libération totale de la Libye.

Cette proclamation a été plusieurs fois repoussée depuis jeudi, notamment parce que Tripoli et Benghazi se disputent cet honneur. Cette déclaration doit également lancer le calendrier de la transition libyenne.

Tournant

Le n°2 du nouveau régime, Mahmoud Djibril, a annoncé samedi sa probable démission de la tête de l'exécutif du CNT dans les heures qui viennent.

Il a estimé que les prochains jours seraient cruciaux après la mort, jeudi, de l'ancien "Guide", qui a marqué de son empreinte le pays durant 42 ans. Djibril, critiqué au sein même des anti-Kadhafi, a expliqué lors d'un forum économique en Jordanie que le pays se trouvait à un tournant, avec des élections libres à venir.

"Ces premières élections devraient avoir lieu dans un délai de huit mois, maximum, pour constituer un Congrès national de Libye faisant office de Parlement", a-t-il dit.

"Ce Congrès national aurait deux tâches: rédiger une Constitution, qui serait soumise à un référendum, et former un gouvernement intérimaire jusqu'à la tenue de la première élection présidentielle", a poursuivi Djibril.

Il a appelé les Libyens à se concentrer sur leur avenir. "Je compte sur eux pour qu'ils aillent de l'avant et se souviennent des souffrances qu'ils ont endurées au cours des 42 dernières années", a-t-il ajouté.

Certains font preuve d'optimisme compte tenu de l'absence d'affrontements tribaux pendant les deux mois entre la chute de Tripoli et la mort de Kadhafi. Un scénario "à l'irakienne", espèrent-ils, pourrait être évité, le clivage chiites-sunnites étant inexistant en Libe.

Cependant, à l'instar de l'Irak, la Libye regorge de ressources pétrolières et les grandes puissances souhaitent faire main basse sur le brut libyen. Les rivalités régionales sont également fortes dans un pays-mosaïque constitué de toutes pièces par le colon italien dans les années 1930. Kadhafi a parfois tiré profit de ce "puzzle" tribal pour contrôler le pays, peuplé de six millions d'habitants seulement. Islamistes et laïques, Berbères et Arabes dessinent aussi des lignes de fracture au sein de la société libyenne.

Ainsi à Misrata, un commandant s'inquiète des défis qui attendent la Libye dans les prochaines semaines. "Nous craignons ce qui va arriver", dit-il lors d'une interview en privé avec Reuters.

"Il va y avoir des luttes entre les différentes régions. Vous allez avoir d'un côté Zentane et Misrata contre Benghazi et l'Est (...) Il va aussi y avoir des conflits à l'intérieur de l'armée. Le gâteau est devant tout le monde et chacun va vouloir prendre sa part", prévient-il.

Un des autres enjeux de la Libye de demain sera de créer une unité et de diversifier l'économie, qui se cantonne aux exportations de pétrole et de gaz. "Nous devons bâtir une économie alternative aussi vite que possible", estime ainsi Djibril.

Enquête sur le décès de Kadhafi ?

Parmi les autres dossiers que devront régler les autorités du CNT figurent les circonstances exacte de la mort de Mouammar Kadhafi.

Mahmoud Djibril assure que Kadhafi a succombé à une blessure par balle à la tête reçue lors d'une fusillade entre ses gardes et les combattants du CNT, alors qu'il était transporté vers un hôpital.

Mais une nouvelle vidéo, le montrant ensanglanté et battu par ses gardes, laisse penser qu'il a été exécuté. On peut entendre un homme qui demande de le "laisser en vie", puis Kadhafi disparaît de l'image et des coups de feu éclatent.

"Alors qu'il était en train d'être emmené, ils l'ont battu et ensuite ils l'ont tué", a dit à Reuters une source bien placée au sein des nouvelles autorités. "Il a peut-être résisté."

Le Haut-Commissariat de l'Onu aux droits de l'homme, de nombreuses ONG de défense des droits de l'homme et la veuve de l'ancien guide, réfugiée en Algérie, ont demandé l'ouverture d'une enquête sur son décès.

Certains Libyens ont également estimé que son corps aurait dû être inhumé au coucher du soleil jeudi conformément aux rites de l'islam.

Sur le plan militaire, l'Otan devrait mettre fin officiellement à ses opérations militaires en Libye le 31 octobre, a déclaré à Bruxelles le secrétaire général de l'Alliance atlantique, Anders Fogh Rasmussen.

"Nous avons constaté que nos opérations étaient très proches d'être achevées et nous avons pris une décision préliminaire, celle de mettre un terme le 31 octobre à la mission", a-t-il dit. Jusqu'à cette date, a-t-il poursuivi, "l'Otan surveillera de près la situation et conservera sa capacité à répondre à toute menace contre les civils".

Une décision officielle sur la fin de la mission sera prise en début de semaine prochaine, a ajouté Rasmussen.