avec dépêches – Les forces du Conseil national de transition (CNT) se heurtent depuis un mois à une résistance acharnée des combattants pro-Kadhafi à Syrte, l’un des derniers bastions du leader libyen déchu.
La prise de Syrte ne devait être qu’une affaire de jours. Mais un mois après l’entrée des combattants du Conseil national de transition (CNT) dans la ville, Syrte résiste encore et toujours. Assiégée, la ville symbole, fief de Mouammar Kadhafi, ne cède pas. Depuis une semaine, l’acharnement de plusieurs centaines de combattants et mercenaires pro-Kadhafi, retranchés dans le centre-ville, a redoublé, forçant dimanche les hommes du CNT à abandonner leurs positions dans deux quartiers du nord-est de Syrte.
Lundi, les bombardements à l’arme lourde ont repris au cœur de ces deux bastions. "Nous encerclons ces quartiers de tous les côtés" assure Hassan al-Droe, un commandant du CNT, à l’AFP lundi. Dans la nuit, des proches du régime libyen déchu ont fui la ville, notamment la mère et le frère du porte-parole du gouvernement en place avant la chute de Mouammar Kadhafi, selon le CNT.
"Stratégie d’encerclement"
"Notre stratégie d’encerclement des quartiers fonctionne plutôt bien puisque, comme vous pouvez le voir, des familles de responsables de l’ancien régime sont en train de fuir", affirme Wassim ben Hamidi, un commandant du CNT en charge des opérations sur le front est de la ville. Pourtant, les combats ne faiblissent pas. Au nord, les forces du CNT ont butté une dizaines de jours sur le complexe de Ouagadougou, dans le sud de la ville, où Mouammar Kadhafi avait l’habitude de recevoir les chefs d’État africains. Sur le front est, des combats "zenga zenga" - rue par rue - opposent soldats pro-Kadhafi et combattants du CNT venus de Misrata et Benghazi.
La chute de Syrte, "la mère de toutes les batailles" selon les combattants du CNT, est cruciale pour le gouvernement provisoire : elle conditionne la "libération totale" du pays et la formation d’un gouvernement chargé de gérer la transition. "Il y a encore en ce moment une résistance terrible des pro-Kadhafi à Syrte, explique Karim Hakiki, grand reporter à FRANCE 24. Tous les anciens officiers qui étaient à Tripoli avant la chute de la capitale ont fui vers Syrte. Il y a, dans cette ville, une concentration des derniers fidèles du régime qui combattent et qui ont des armes."
Quatre des cinq plus grandes tribus toujours alliées à Kadhafi
En outre, l’échec des négociations entre le CNT et quatre des cinq grandes tribus du pays complique encore un peu plus la donne pour les combattants anti-Kadhafi. "Pour que Syrte puisse tomber, il faut deux choses : d’abord que les pro-Kadhafi soient militairement affaiblis, et ensuite que les tribus veuillent bien négocier la reddition de Syrte", poursuit le journaliste. Pour l’heure, une seule tribu - celle à laquelle, ironie du sort, appartient Mouammar Kadhafi -, s’est ralliée au Conseil national de transition en août.
C’est pourtant sans l’appui de ces quatre tribus que le CNT a pris le contrôle de la capitale, Tripoli, en seulement quelques jours en août. "De la même façon qu’à Benghazi ou Misrata, Tripoli a été soulevée et libérée de l’intérieur, explique Karim Hakiki. Ce sont des opposants présents et habitant dans ces villes qui provoqué ces soulèvements contre le clan Kadhafi. À Syrte, c’est plus compliqué pour le CNT, les habitants sont majoritairement pro-Kadhafi. Quand on voit les civils fuir les combats, ils ne crient pas victoire comme on a pu le voir autre part. Ils ont les mines défaites".
Situation sanitaire déplorable
Encerclés depuis un mois, les habitants de Syrte survivent dans des conditions sanitaires déplorables. Sans eau potable et affamés, ils fuient le centre-ville dévasté et les combats qui y font rage pour trouver refuge dans les faubourgs, où quelques associations humanitaires parviennent à acheminer un peu de nourriture.
Certains reviennent dans le centre, au gré de l’évolution des zones de combat. Ils y retrouvent leurs maisons pillées, portes détruites, vêtements éparpillés sur le sol, meubles retournés, brisés… "Les révolutionnaires viennent ici pour se venger et détruire. Ils nous envient et nous haïssent parce que Mouammar est d’ici. Mais nous ne sommes que des civils. Nous n’avons pas résisté ici. Pourquoi cassent-ils nos maisons ?", se désole une femme dont Reuters a receuilli le témoignage. "De quoi nous libèrent-ils ? On veut Kadhafi !", renchérit une autre habitante.
Même libérée, Syrte risque d'incarner, longtemps encore, le souvenir de l'ancien leader libyen.