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L'Armée syrienne libre, un premier rempart contre la répression du régime

Ils sont un peu plus nombreux, chaque jour, à refuser de tirer sur des civils et à rejoindre l'Armée syrienne libre. Mais sans arme ni vague de défections massive, cette organisation est loin de faire le poids face aux forces du régime.

Le 28 juin, Manhl al-Adday est en permission pour une journée à Deraa, dans le sud de la Syrie. Le lendemain, il ne reprend pas sa place dans les rangs de l’armée. "On m’a demandé de tuer des Syriens qui étaient là, en face de moi, sans arme. J’ai vu les crimes du régime de Bachar al-Assad de mes propres yeux. Il n’était plus possible pour moi d’y retourner", explique-t-il via Skype.

Depuis, Manhl al-Adday s’est réfugié en Turquie, où il a rejoint les rangs de l’Armée syrienne libre, une organisation réunissant des soldats ayant fait défection. Il était pour lui trop dangereux de rester en Syrie. "Lorsqu’un soldat déserte, le régime s’en prend immédiatement à sa famille. Et je n’avais même pas d’arme pour me protéger car je conduisais un tank dans l’armée".

Plus de 10 000 membres et 18 bataillons

C’est dans une vidéo postée sur You Tube, le 29 juillet, que sept soldats en uniforme ont annoncé la formation de l’Armée syrienne libre. Elle revendique aujourd’hui plus de 10 000 membres organisés en 18 bataillons. Parmi les plus importants, celui de Khaled Bin Walid à Homs, la brigade Qaashoush à Hama, la brigade Al-Harmoush à Idleb, tous trois en Syrie… Pour le régime, ces "soldats libres" sont en réalité des "traîtres" et des "terroristes" appartenant à des "groupes armés".

L'armée syrienne libre annonce sa formation le 29 juillet

À la tête de l’Armée libre, le colonel Riad al-Assad, l’un des plus hauts gradés à avoir fait défection. À 50 ans, dont 31 années passées au sein de l’armée de l’air, il est lui aussi réfugié en Turquie. "Nous avons déserté car l’armée, dont la mission est de protéger le peuple, s’est mise à le tuer, explique-t-il à France24.com par mail. Notre mission est aujourd’hui de protéger la population et d’amener à la chute du régime. Nous n’agissons que de manière défensive, mais le régime essaie de nous pousser à l’attaquer…" Il confirme aussi rejeter les appels à armer les Syriens, une solution "trop risquée" dit-il.

Pendant les rassemblements d’opposants, des soldats de l’Armée libre se joignent ainsi à la foule pour riposter lorsque les forces de sécurité ouvrent le feu sur des manifestants pacifiques. "Nous nous sentons un peu plus en sécurité depuis que l’Armée libre est présente, assure Omar "Abou Farouk", 22 ans, un habitant de Homs. Elle donne par exemple l’alerte en cas d’attaque et nous oriente vers des lieux sûrs où nous cacher. Mais elle n’attaque pas gratuitement ses frères, les soldats de l’armée régulière. Elle s’en prend uniquement à ceux qui tuent des manifestants, et notamment aux shabihas (des miliciens pro-régime, ndlr)."

Tuer ou être tué

Outre la protection des manifestants, l’Armée libre rapporte sur Internet certains faits d’armes. "En réponse à des actes criminels commis par des gangs de Bachar al-Assad dans la région d’Idleb, le bataillon du martyr d’Hamza al-Khatib a pris pour cible trois voitures des forces de sécurité et des shabihas et tué 10 personnes", écrit-elle par exemple le 10 octobre sur Facebook. "Notre méthode est celle de la guérilla urbaine, c’est-à-dire que nous fonctionnons par petits groupes, à l’intérieur des villes", précise Riad al-Assad.

Au cours des derniers mois, les informations faisant état d’affrontements entre armée régulière et déserteurs se sont multipliées. Selon des militants de l’opposition, c’est par exemple en raison des défections que le régime a attaqué et assiégé pendant plusieurs jours la ville de Rastan, fin septembre-début octobre. "Plus de 250 soldats ayant fait défection ont défendu la ville et ont réussi -dans un premier temps- à éloigner la brutale attaque du régime, racontent les militants des Comités locaux de coordination. De nombreux soldats et officiers ont été tués après avoir refusé de tirer sur la population ou essayé de déserter.

es soldats du bataillon Al-HArmoush revendique une opération contre les « gangs » de Bachar al-Assad

Pour que la "chasse aux déserteurs" ne se retourne pas contre la population, les soldats faisant défection affirment se cacher à l’extérieur des villes. "Quand ils désertent, les soldats doivent aussitôt rejoindre le bataillon le plus proche", explique Riad al-Assad. "Les soldats désertent souvent par petits groupes, ajoute Rami Jarah, un opposant réfugié depuis peu au Caire. Ils doivent être préparés et avoir un plan pour cacher leur famille, sinon c’est du suicide."

Peu d’armes et pas de vague de défections massive

Dans une interview à l’agence Reuters le 7 octobre, le colonel Al-Assad affirme que seule la force pourrait permettre de renverser Bachar al-Assad. "Sans guerre, il ne tombera pas", déclare-t-il.

Mais seule, l’Armée syrienne libre est loin de pouvoir atteindre cet objectif. Composée dans son immense majorité de militaires peu gradés, elle ne dispose que de peu d’armes - celles que les soldats avaient sur eux en désertant, pour l’essentiel. Jusqu’à présent, aucune vague de défections massive n’a été constatée. Pour les experts, même si le nombre de désertions augmente, celles-ci n’ont pour l’instant aucun impact sur les capacités de l’armée syrienne, forte de quelque 200 000 hommes.

"L’Armée syrienne libre n’a fait jusqu’à présent que quelques dizaines de victimes", reconnaît Riad Al-Assad, qui appelle à la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne et d’une zone-tampon près de la frontière turque.

"Nous espérons que les soldats de l’armée régulière vont écouter leur cœur et refuser de tirer sur des manifestants pacifiques, affirme de son côté Abou Rami, un habitant du quartier d’Al-Qousor à Homs. Lorsque nous sommes dans les rues, nous essayons de leur faire comprendre que nous sommes un seul peuple et qu’il n’y a pas de gangs terroristes dans le pays."

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