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Nicolas Sarkozy tente de s'imposer en homme de paix dans le Caucase

Trois ans après avoir arraché un accord de paix entre la Russie et la Géorgie en août 2008, Nicolas Sarkozy replonge dans la poudrière caucasienne. Il a entamé jeudi une visite de deux jours en Arménie, en Azerbaïdjan et en Géorgie.

Quelques semaines après avoir été acclamé en Libye pour son rôle joué dans la chute du régime de Kadhafi, le président français Nicolas Sarkozy enfile de nouveau son habit de grand pacificateur en se rendant dans le Caucase jeudi et vendredi.

Dans cette région, théâtre de plusieurs conflits violents depuis l’implosion du bloc soviétique en 1991, Nicolas Sarkozy va tenter de relancer des processus de paix aujourd'hui au point mort. "Il n’y a pas plus grand danger que celui de l’immobilisme qui fait naître des illusions, attise les rancœurs et éloigne chaque jour un peu plus les chances de la paix", a déclaré mercredi le président français à l’agence de presse arménienne Mediamax.

Sarkozy, homme de paix entre la Géorgie et la Russie

En août 2008, alors président de l’Union européenne, Nicolas Sarkozy avait remporté l’une de ses principales victoires diplomatiques. Il avait rédigé un accord de cessez-le-feu signé par la Géorgie et la Russie après l'embrasement de la région autour du statut de deux républiques géorgiennes pro-russes, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, à qui Tbilissi refusait l’indépendance. Au cours d’un discours public qu’il doit tenir vendredi dans la capitale géorgienne, le président français compte bien rappeler le rôle déterminant qu’il a joué dans la résolution du conflit.

Mercredi, les diplomates géorgiens ont assuré que le président français serait reçu en héros. Cependant, sur le terrain, trois ans après la fin du conflit, l’amertume domine. Les militaires russes, envoyés en 2008 pour préserver les frontières des deux républiques sécessionnistes géorgiennes, sont toujours présents en Ossétie du Sud et en Abkhazie, contrairement à ce que l’accord signé en août 2008 entre Tbilissi et Moscou prévoyait. Leur nombre aurait même doublé selon une source diplomatique européenne citée par Reuters. En outre, Moscou a reconnu unilatéralement l’indépendance des deux territoires, toujours considérés comme géorgiens par la grande majorité de la communauté internationale.

"Nous avons préservé la démocratie et notre indépendance mais 20 %,de notre territoire est toujours occupé", observe Torniké Gorgdadzé, vice-président géorgien des Affaires étrangères. Du coup, la situation reste explosive aux frontières géorgiennes. Les négociations de Genève concernant le statut des deux républiques séparatistes, entamées au lendemain de la guerre de 2008 sur l’impulsion de Nicolas Sarkozy, restent au point mort.

"Il faut reprendre le fil du dialogue avec plus de détermination", a fait savoir l’Élysée à la veille de son départ. "Ce sera le message que Nicolas Sarkozy transmettra au président [géorgien] Mikheïl Saakachvili comme il l’a transmis auparavant aux dirigeants russes".

La poudrière du Haut Karabakh

En substance, les intentions du président français seront les mêmes en Arménie et en Azerbaïdjan. Les deux pays sont à couteaux tirés depuis vingt ans au sujet des velléités d’indépendance du Haut Karabakh, république séparatiste d’Azerbaïdjan à majorité arménienne. Sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), plus précisément du groupe de Minsk – onze États co-présidés par la France, les États-Unis et la Russie –, les deux États ont signé un cessez-le-feu en 1994 à l’issue d’une guerre au cours de laquelle au moins 25 000 personnes ont été tuées.

Mais cet accord n’a pas apaisé les tensions. Dans l’enclave arménienne, les incidents sont légion, laissant planer le risque d’une soudaine flambée de violence. "Dans la région, nous sommes dans une logique de tensions, explique le chercheur Arnaud Dubien, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), spécialiste des pays de l’ancien bloc soviétique. Je pense que la visite de Nicolas Sarkozy est une tentative pour éviter qu’on entende le son des canons dans la région".

Méfiance vis-à-vis du "lobby arménien en France"

Jusqu’à présent, toutes les initiatives pour régler définitivement le conflit autour du statut du Haut Karabakh ont échoué. La dernière en date, à l’initiative de Moscou, en juin dernier, s’est soldée par un échec cuisant. Nicolas Sarkozy revient jeudi à la charge, appelant Bakou et Erevan à "prendre le risque de la paix". Mais en Azerbaïdjan, les intentions diplomatiques du président français risquent d’être accueillies avec méfiance. "Les Azéris [groupe ethnique majoritaire en Azerbaïdjan] sont persuadés que le lobby arménien guide la politique extérieure de la France dans la région", explique Arnaud Dubien.

Un sentiment que la visite de Nicolas Sarkozy pourrait renforcer. Le président français a convié le chanteur Charles Aznavour et l’ex-ministre UMP Patrick Devedjian, deux figures de la communauté arménienne de France, à l’accompagner lors de son voyage.

"Certains observateurs estiment qu’en se rendant à Erevan, Nicolas Sarkozy vient à la pêche aux voix de la communauté arménienne en France", rapporte Arnaud Dubien. Forte de 500 000 membres, cette communauté pourrait peser lourd dans le scrutin présidentiel en mai 2012, à l’heure où la cote de popularité du président français ne cesse de s’effriter.

Reste à savoir si, au cours de son voyage dans le Caucase, Nicolas Sarkozy privilégiera son statut d'homme de paix sur la scène internationale ou de candidat à la présidentielle française.