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Dix ans après la chute du régime taliban grâce à l'intervention de l'Otan, certains Afghans reconnaissent une amélioration de leurs conditions de vie. Un constat que ne partagent pas les ONG qui s'alarment d'une situation humanitaire critique.
Il y a dix ans jour pour jour, le 7 octobre 2001, Américains et Britanniques lançaient en Afghanistan l'opération "Liberté immuable", une série de frappes massives contre le régime taliban. Dans ce nouveau chapitre de la guerre afghane - qui fait rage depuis 30 ans - des milliers de civils se retrouvent à nouveau pris entre les feux des deux camps.
Dix années après l’intervention occidentale, les ONG, sur place, dressent un constat accablant de la situation humanitaire. L’insécurité et la difficulté de l’accès aux soins - notamment dans les zones rurales les plus isolées - restent, selon eux, des préoccupations majeures dans ce pays classé parmi les plus pauvres au monde. Résumer pour autant cette décennie à une succession d’espoirs déçus et de grandes souffrances serait une erreur. Sans nier le long chemin qu’il reste à parcourir avant de sortir le pays du bourbier politique et économique dans lequel il se trouve, certains Afghans - dans les zones urbaines notamment - notent une nette amélioration de leurs conditions de vie depuis la chute, en 2001, du régime des Taliban.
"À Kaboul, je me sens en sécurité"
"Ici, à Kaboul, je me sens en sécurité. Je peux marcher dans la rue sans trop de craintes, je peux aussi me rendre à mon travail sans avoir une boule au ventre. C’est déjà beaucoup." Isna, une habitante de la capitale afghane contactée par France24.com, refuse de dresser un tableau noir de la situation humanitaire de son pays. Sans être dupe pour autant. Cette jeune femme de 32 ans a conscience "comme beaucoup de gens" que la désorganisation du pays qui résulte de longues années d’affrontements a suscité d’énormes besoins dans tous les domaines. "Ici, les choses vont beaucoup mieux. Vous devriez voir la différence avec l’avant-2001 ! Mais ailleurs, je sais que les choses se passent mal", ajoute-t-elle.
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Hors des murs de la capitale, en effet, le constat sécuritaire est nettement plus inquiétant. La faute principalement à l’amplification des combats entre les forces de la coalition et les Taliban - qui ont intensifié leur insurrection depuis 2007. Les islamistes n’hésitent plus à frapper des cibles officielles de poids, comme l’ambassade des États-Unis à Kaboul, le 26 septembre. Autant d’attaques talibanes et de frappes de l’Otan qui continuent à faire régulièrement de nombreuses victimes dans les rangs de la population civile.
"Nous sommes particulièrement inquiets pour les Afghans qui se trouvent sur la ligne de feu. Leurs conditions de sécurité restent alarmantes", souligne Jacques de Maio, chef des opérations du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour l'Asie du Sud, dans un communiqué publié le 3 octobre. Rien que pour le premier semestre 2011, plus de 1 460 civils ont été tués, dont 80% dans des actions imputables aux Taliban, selon l'ONU.
Recevoir une aide étrangère, c’est signer son arrêt de mort
Ces dernières années, cette insécurité s’est gravement accentuée en raison des campagnes d’intimidation menées par les islamistes. Sur le terrain, certains groupes radicaux mènent une politique active de terreur, envoient des lettres de menace pour dissuader les femmes de travailler, attaquent les filles allant à l'école. Et ce, malgré la présence de quelque 140 000 soldats étrangers. "Dans certaines provinces - loin de la capitale très protégée -, certains habitants disent redouter les pressions des Taliban. Ils les menacent, les obligent à prendre parti", explique Aziz, un professeur de Kaboul contacté par France24.com. "Ici, [dans la capitale], on ne voit pas de telles choses."
Une situation "d’angoisse" qui se répercute, de facto, sur le domaine de la santé. Certains Afghans n’osent plus se rendre dans des centres de soins des ONG, qui sont aussi régulièrement harcelés. Car recevoir une aide étrangère, c’est parfois signer son arrêt de mort. "Se faire soigner dans une clinique dirigée par l'Otan engendre un risque de représailles de la part des Taliban", ajoute Aziz.
A cette vulnérabilité s’ajoute la difficulté des déplacements. D’un côté, "les routes sont minées et bloquées par des points de contrôle", explique dans son rapport le CICR, de l’autre "de nombreux habitants n’ont tout simplement pas les moyens de couvrir les frais de transport des malades". La pauvreté contraint de nombreux Afghans à rester chez eux, faute de moyens pour transporter les blessés.
L’amélioration des droits des femmes
Outre la noirceur de ce constat médical et sécuritaire, des progrès notoires sont à noter dans le domaine social, notamment en matière de scolarisation, de développement du commerce... et de l’amélioration du statut de la femme. Dix ans après l’arrivée des forces occidentales en Afghanistan, elles sont "près de 2,7 millions de jeunes Afghanes actuellement sur les bancs de l’école contre quelques milliers sous le régime taliban", souligne l’association de solidarité internationale Oxfam, dans un rapport publié le 3 octobre. Une réussite dont se félicite également Isna. "Il reste des progrès à faire mais de plus en plus de femmes lisent et écrivent dans le pays. Ma cousine qui a 7 ans et qui vit à Kandahar [dans le sud du pays; ndlr] a appris à écrire l’année dernière. C’est vraiment épatant", s’enthousiasme-t-elle.
Reste à savoir si ces progrès perdureront à l’approche du retrait définitif des troupes de la coalition en 2014, s’inquiète l’ONG internationale. "Nous avons acquis énormément de choses au cours des dix dernières années. Mais qu’en sera-t-il dans dix ans ?", s’interroge Orzala Ashraf Nemat, co-auteur du rapport, et qui s’inquiète d’un accord de paix négocié à la va-vite entre pouvoir afghan et Taliban. Le président Hamid Karzaï a, en effet, appelé à de nombreuses reprises ces dernières années les islamistes à négocier la paix. Mais ceux-ci répètent qu’ils n’entameront aucune négociation tant que l'ensemble des soldats étrangers n’aura pas quitté le pays.
"Il faut être confiant pour l’avenir, estime pourtant Aziz. Il y a encore de nombreuses étapes à franchir, de nombreuses institutions à mettre sur pied, mais nous avons pris un bon chemin, je préfère miser positivement sur le futur et espérer des jours meilleurs pour mon pays."