
Multipliant les signes d'ouverture ces dernières semaines, le nouveau gouvernement birman a décidé de suspendre un projet de barrage financé par la Chine dans le nord du pays. Des manifestations avaient été organisées pour dénoncer l'initiative.
AFP - Le nouveau gouvernement birman, qui multiplie les signes d'ouverture envers ses opposants, a décidé de suspendre un projet de barrage géant financé par la Chine dans le nord du pays, après d'inhabituelles protestations populaires.
Alors que les militants birmans testent les limites d'une nouvelle liberté liée au changement d'attitude du régime, de plus en plus de voix s'étaient élevées ces dernières semaines contre la construction sur la rivière Irrawaddy, dans l'Etat Kachin, de la centrale de Myitsone, dont l'électricité est destiné à la Chine.
Le président Thein Sein a annoncé vendredi aux parlementaires réunis en session dans la capitale Naypyidaw que les travaux seraient suspendus jusqu'à la fin du mandat du gouvernement actuel, a indiqué un responsable gouvernemental à l'AFP.
"Le président a décidé d'arrêter le projet de barrage parce que le gouvernement est élu par le peuple et le gouvernement doit respecter la volonté du peuple", a-t-il expliqué, précisant qu'il y aurait maintenant des discussions avec les Chinois.
Cette annonce surprenante marque une véritable volte-face du régime. Les médias birmans avaient en effet cité plus tôt en septembre le ministre de l'Electricité assurant que le projet serait maintenu malgré les protestations.
Les défenseurs de l'environnement dénoncent depuis longtemps ce barrage qui selon eux devait inonder des dizaines de villages, entraîner le déplacement d'au moins 10.000 personnes et des dommages irréversibles à une région très riche en biodiversité.
Lors d'une inhabituelle manifestation empêchée sans violence par la police lundi, certains participants portaient sur leur T-shirt des slogans appelant à mettre un terme à ce projet. Et la semaine dernière, un homme qui manifestait seul devant un bâtiment de l'ambassade chinoise à Rangoun avait été arrêté.
L'opposante Aung San Suu Kyi a elle aussi demandé aux autorités de réexaminer ce projet de 3,6 milliards de dollars soutenu par le géant chinois de l'énergie China Power Investment Corp.
"C'est quelque chose qui nous inquiète tous parce que l'Irrawaddy est très importante pour le pays entier, économiquement, géographiquement, écologiquement et émotionnellement", a-t-elle déclaré lors d'un récent entretien avec l'AFP.
"Je pense qu'il y a une prise de conscience grandissante du besoin de protéger l'Irrawaddy".
En juillet, un collectif d'ONG, le Groupe de travail environnemental sur la Birmanie, avait lui appelé à mettre un terme à tous les projets d'exploitation des ressources naturelles birmanes, financés principalement par des étrangers.
Ils les accusaient d'être une source de conflit dans des zones où vivent les groupes ethniques minoritaires, qui représentent un tiers des 50 millions d'habitants du pays et dont beaucoup n'ont jamais pacifié leurs relations avec le pouvoir central depuis l'indépendance en 1948.
Ces derniers mois, des combats violents ont eu lieu entre des rebelles kachins et l'armée birmane dans cette région où des entreprises chinoises sont impliquées dans la construction de plusieurs barrages, dont celui de Myitsone qui est devenu un symbole de la lutte des Kachins pour plus d'autonomie.
La junte au pouvoir en Birmanie depuis un demi-siècle a laissé la place en mars à un gouvernement "civil", mais toujours sous le contrôle des militaires.
Ce nouveau régime, à qui la communauté internationale réclame toujours la libération de quelque 2.000 prisonniers politiques, a montré des signes d'ouverture ces dernières semaines, en particulier envers Mme Suu Kyi.
La lauréate du prix Nobel de la paix a rencontré vendredi pour la troisième fois un ministre du gouvernement, après s'être entretenu en août avec le président lui-même. Une évolution qu'elle a jugée "positive", tout en restant prudente sur la capacité du nouveau pouvoir à aller au bout du processus de démocratisation.