Grand reporter à la rédaction de "France Soir", Matthieu Suc est le co-auteur de la biographie non-autorisée de l’enfant terrible du football français, Franck Ribéry. Un ouvrage dont le joueur demande à la justice d’interdire la parution. Entretien.
Révélé au grand public lors du Mondial-2006 pour son jeu flamboyant, Franck Ribéry a depuis fait parlé de lui pour d’autres raisons, notamment extra-sportives. Quelques mois avant que n’éclate la mutinerie de Knysna à la Coupe du monde 2010, Ribéry se voit impliqué dans un des plus gros scandales du football français. Plusieurs joueurs de l’équipe de France, dont le joueur du Bayern Munich, se trouvent mêlés à une sombre histoire de proxénétisme de mineures. L’affaire Zahia est née, révélant dans son sillage les mœurs légères d’un football-business à la limite du hors-jeu.
Grand reporter à la rédaction de "France Soir", Matthieu Suc a coécrit, avec Gilles Verdez, spécialiste du football au même quotidien, une biographie non-autorisée de l’enfant terrible du football français, "La face cachée de Ribéry" (Editions du Moment). Si le livre révèle une multitude de détails sur l’enquête menée par la Brigade de répression du proxénétisme (BRP), il tente également de mettre en lumière la double personnalité d’un joueur emblématique d’une génération. Franck Ribéry a annoncé jeudi par la voix de son avocate qu’il demandait à la justice d’interdire la parution de l’ouvrage.
Pourquoi sortir un livre sur Franck Ribéry maintenant, plusieurs mois après l’affaire Zahia ?
Matthieu Suc : Dans ce livre, nous ne traitons pas uniquement de l’affaire Zahia mais surtout du personnage. L’idée est née l’an dernier lorsque j’enquêtais sur l’affaire Zahia. Je ne suis pas spécialiste de football mais avec Gilles Verdez [journaliste sportif à "France Soir", NDLR], nous avons voulu mettre nos compétences en commun pour aller plus loin dans cette affaire. Si nous l’avons publié aujourd’hui, c’est que d’ici peu Franck Ribéry et Karim Benzema [l’attaquant du Real Madrid est également impliqué dans l’affaire, NDLR] vont savoir s’ils sont renvoyés ou non devant un tribunal correctionnel pour sollicitation de prostituées mineures.
Vous livrez de nombreux détails sur l’affaire Zahia avec la transcription des procès verbaux de l’enquête menée par la BRP. Mais qu’apprend-on de plus sur sa personnalité ?
M. S. : On apporte un éclairage nouveau sur un personnage qui avait enchanté la France en 2006 par sa spontanéité contrastant avec l’aseptisation du football actuel. Avec son implication dans l’affaire Zahia, et ensuite avec la grève des Bleus à Knysna, on découvre une autre facette du personnage, plus désagréable et pas tout à fait conforme à l’image qu’il renvoyait. Mais tout n’est pas noir chez lui. De nombreuses personnes gardent un bon souvenir de lui, notamment les policiers qui l’ont auditionné et avec qui il a toujours été disponible. Ils avaient d’ailleurs du mal à croire qu’il était le leader de la fronde des joueurs de l’équipe de France pendant le Mondial. Il ne s’agit pas ici de le brocarder mais de mettre en lumière un joueur emblématique d’une génération de footballeurs. Lui a peut-être poussé le modèle plus loin que d’autres.
Les médias n’ont-ils pas une part de responsabilité dans la construction de ce personnage tel que le vous décrivez ?
M. S. : Non, je crois plutôt que Franck Ribéry en a beaucoup joué. Il était connu pour alimenter la presse et, lors de son retour en équipe de France, il en a profité pour régler ses comptes avec les journalistes présents en conférence de presse. A sa manière.