Pour la première fois depuis 1958, la gauche a remporté la majorité absolue au Sénat, où elle compte désormais 177 sièges. Une victoire qui, à sept mois de la présidentielle, risque de compliquer la tâche de la majorité présidentielle.
AFP - Le scrutin sénatorial de dimanche a fait basculer le Sénat à gauche, pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, une victoire historique en forme de sévère avertissement pour le camp de Nicolas Sarkozy à sept mois de la présidentielle.
Peu avant 01H00, les derniers élus des Antilles, tous de gauche, ont confirmé la victoire et surtout porté à 177 le nombre de sénateurs de gauche soit 2 de plus que la majorité absolue.
Ironie de l'histoire: c'est un homonyme de l'actuel président UMP du Sénat, Gérard Larcher, Serge Larcher (DVG) qui a emporté le 175e siège et confirmé la victoire de la gauche.
"Pour la première fois, le Sénat connaît l'alternance", avait déclaré un peu plus tôt, très ému, le chef de file des sénateurs PS, Jean-Pierre Bel, qui pourrait succéder dans six jours à Gérard Larcher (UMP) à la tête de la Haute assemblée.
Alors que tous les résultats n'étaient pas encore parvenus, M. Bel a annoncé que la gauche avait déjà "175 sénateurs, c'est-à-dire au-delà de la majorité absolue". "Le changement est en marche", a-t-il ajouté.
L'Elysée a très vite "pris acte" des résultats tandis que François Fillon appelait ses troupes à se ressaisir pour la présidentielle de 2012. "Le moment de vérité aura lieu au printemps prochain. Ce soir, la bataille commence", a-t-il dit dans un communiqué.
Chez les socialistes, les candidats à la primaire ont vu dans ce nouveau succès électoral, après ceux des régionales et des cantonales, un signe "prémonitoire" pour 2012 (François Hollande), "un échec pour le président de la République" (Martine Aubry), ou encore "une rébellion des territoires et des populations abandonnés par l'Etat" (Arnaud Montebourg).
A sept mois de la présidentielle, il s'agit de fait d'un très mauvais signal pour le président Nicolas Sarkozy, déjà en difficulté sur le double front de la crise économique et des affaires politico-financières
Première victime du vote des grands électeurs : la fameuse "règle d'or" de retour à l'équilibre budgétaire que Nicolas Sarkozy voulait inscrire dans la Constitution. "C'est mort", a concédé un cadre de la majorité. Avec le basculement du Sénat, le gouvernement a perdu toute chance de réunir une majorité des trois cinquièmes des députés et sénateurs.
De manière générale, "sur le plan législatif, la gauche aura les moyens de retarder l'adoption des textes, de faire savoir haut et fort son opposition", a commenté le politologue Olivier Rouquan (Sciences Po). L'examen cet automne du budget 2012 pourrait en être une illustration.
"Cette défaite est essentiellement une défaite de l'UMP due au sectarisme de ses dirigeants", a fustigé Dominique Paillé (Parti radical). Côté calculs, Laurent Hénart, lui aussi du parti de Jean-Louis Borloo, s'est réjoui de la progression des candidats de la confédération centriste (PR et Nouveau centre) dans ce "contexte très difficile pour la majorité sortante".
Samedi aura lieu l'élection du président du Sénat et une majorité de gauche devrait se prononcer pour un des siens.
Théoriquement, Jean-Pierre Bel, soutien de François Hollande, devrait succéder au perchoir à M. Larcher. Mais celui-ci a annoncé qu'il se représentait. Le sénateur UMP Jean-Pierre Raffarin veut croire que "rien n'est joué" pour cette dernière partie.
Toute la journée, des résultats sévères pour la majorité sont tombés. Le ministre de la Ville, Maurice Leroy, battu; un 8e siège gagné par la gauche à Paris où l'UMP ne détient plus que deux sénateurs; un gain d'un siège pour la gauche dans le propre département du président Larcher, ainsi que dans le Loiret, en Isère, Nord, Pas-de-Calais, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne, Oise, Manche, Pyrénées-Orientales...
"Plus que deux sénateurs UMP à Paris, c'est une défaite historique et politique", s'est réjouie Anne Hidalgo, 1e adjointe PS au maire de Paris. Pierre Charon, suspendu de l'UMP pour dissidence et malgré tout élu, a promis d'être fidèle au chef de l'Etat.
Avec 10 élus (4 auparavant), les écologistes ont particulièrement progressé et pourraient créer leur propre groupe.
La réélection dès le premier tour dans le Loiret, traditionnellement à droite, du PS Jean-Pierre Sueur avait constitué un des premiers signaux du succès de la gauche à la mi-journée. Dans la foulée, la victoire dans les Pyrénées-Orientales du président du Languedoc-Roussillon, le "frêchiste" Christian Bourquin, confirmait la tendance.
La droite a perdu des départements qu'elle détenait pratiquement depuis toujours comme la Lozère. Dans le Morbihan, contre toute attente, la gauche a remporté les trois sièges.
Il s'agit d'"une progression historique pour la gauche et une sanction incontestable pour l'UMP", a déclaré Harlem Désir (PS) au Sénat, où les propos de Jean-Pierre Bel ont déclenché une explosion de joie dans les rangs socialistes, ponctuée de "On a gagné, on a gagné!".
Cette victoire est particulièrement favorable pour François Hollande --qui s'est déplacé au Sénat ainsi que sa principale rivale de la primaire Mme Aubry--, car une grande majorité de sénateurs PS se sont prononcés pour lui.
"La gauche progresse partout, on sent une lame de fond", a affirmé le secrétaire national du PS chargé des élections, Christophe Borgel, qui a mis en garde contre d'éventuels débauchages par la droite samedi prochain pour l'élection du président.
Consolation pour le camp présidentiel: les ministres Gérard Longuet (Défense) et Chantal Jouanno (Sport) ont été élus.