Le patron des laboratoires Servier a été placé sous contrôle judiciaire avec une caution de quatre millions d'euros. Il est poursuivi pour homicides et blessures involontaires, tromperie aggravée et escroquerie dans l'affaire du Mediator.
REUTERS - Le président-fondateur des laboratoires Servier, Jacques Servier, et cinq entités juridiques de son groupe ont été mis en examen dans l'enquête sur Mediator, qui aurait fait de 500 à 2.000 morts de 1976 à 2009, a annoncé leur avocat Hervé Temime.
Entendu toute la journée par deux juges d'instruction parisiens, Jacques Servier, 89 ans, est poursuivi pour "homicides et blessures involontaires, tromperie aggravée, escroquerie" notamment, de même que ses sociétés.
Le médecin est sous contrôle judiciaire avec une caution de quatre millions d'euros à payer, et doit fournir avant le 15 décembre une garantie portant sur six autres millions.
Ses sociétés doivent acquitter un cautionnement de 26 millions d'euros et fournir une garantie de 39 millions d'euros à fournir à la même échéance du 15 décembre.
"C'est maintenant à nous de nous expliquer. C'est une évidence, mais les personnes mises en examen sont présumées innocentes. Maintenant, l'instruction commence réellement", a dit aux journalistes Me Hervé Temime.
La Sécurité sociale, partie civile dans le dossier, demandait aux juges de contraindre Servier à verser 255 millions d'euros pour garantir l'indemnisation des dégâts sanitaires du Mediator et les remboursements du médicament.
C'est la première fois que Jacques Servier comparaît devant un juge dans ce scandale sanitaire, apparu lorsqu'a été retenu le lien entre la prise du Mediator, retiré du marché en 2009, et des valvulopathies, affections cardiaques mortelles.
Des témoignages d'anciens scientifiques de Servier versés au dossier ont accrédité, selon les parties civiles, l'hypothèse que les laboratoires Servier ont dissimulé la vraie nature du médicament, un coupe-faim présenté comme antidiabétique.
Le laboratoire a répliqué que ces nouveaux témoins rapportaient des faits vieux de 40 ans et contesté toute tromperie, expliquant que les témoins avaient à ses yeux des
problèmes de mémoire.
Téléscopage avec le procès de Nanterre
Cette affaire a déstabilisé le système français de santé et conduit à une remise en cause de la place de l'industrie pharmaceutique, de son influence et de ses liens avec les
autorités politiques.
Le Mediator a en effet été maintenu sur le marché et a conservé le remboursement par la Sécurité sociale, malgré plusieurs alertes reçues dès 1999, au moins.
La question des liens nombreux entretenus à droite comme à gauche par Jacques Servier est donc dans le champ de l'enquête, d'autant que Nicolas Sarkozy a été, avant d'être chef de l'Etat, son avocat. En tant que président de la République, il lui a remis personnellement la Légion d'honneur en 2008.
La mise en examen de Jacques Servier intervient cinq jours avant l'audience programmée le 26 septembre sur la même affaire au tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine).
Cette procédure, que la Cour de cassation a refusé de joindre à celle de Paris, est portée par environ 150 plaignants et doit en principe aboutir à fixer un premier procès sur le
fond au printemps, avec sur les bancs des prévenus les laboratoires Servier, sa filiale commerciale, Jacques Servier et quatre autres dirigeants.
La mise en examen à Paris pourrait changer la donne, puisque la justice se retrouve avec deux poursuites pour tromperie.
La procédure parisienne, où plusieurs milliers de personnes sont parties civiles, prendra mécaniquement plusieurs années avant de déboucher sur un procès, avec possibilité d'appel et de cassation ensuite, ce qui laisse craindre aux victimes un enlisement.