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Les marchés européens ont dévissé lundi renforçant le sentiment que la zone euro se dirige inéluctablement vers une nouvelle récession. Dans ce nouveau drame européen, chaque acteur joue un rôle particulier. Explications.

Chutes des bourses, plans de rigueur adoptés à travers toute l’Europe, emploi au point mort aux États-Unis : si l’on en croit les principaux indicateurs économiques mondiaux, le décor semble planté pour une nouvelle récession en Europe. Pour certains économistes, la crise qui se profile en Europe pourrait même être pire que celle provoquée par la faillite de la banque Lehman Brothers aux États-Unis, en 2008

Passage en revue des principales raisons qui ont amené la Maison zone euro au bord du gouffre économique.
 

La Grèce ne s’en sort pas

La Grèce est encore et toujours le catalyseur de la crise de la zone euro. Le deuxième plan de sauvetage adopté le 21 juillet par Athènes n’a effectivement pas eu l’effet escompté et, de l’aveu même du gouvernement grec la semaine dernière, le pays aura du mal à tenir ses engagements de réduction des déficits.

La persistance des difficultés de la Grèce malgré l’aide financière des autres États européens a "permis aux opérateurs financiers de prendre conscience des dysfonctionnements de la zone euro", estime Jérôme Creel, économiste à l’Observatoire français de conjoncture économique (OFCE) et professeur à l’ESCP-Europe (École supérieure de commerce de Paris).

La divulgation par la presse, la semaine dernière, d’un rapport grec sur la dette devenue hors de contrôle et sa remise en cause immédiate par le gouvernement grec n’ont fait que "renforcer les craintes sur les problèmes de gouvernance en Grèce", juge Jérôme Creel.

Le Fonds européen de stabilité financière (FESF) manque... de fonds

Créé en mai 2010 pour soutenir financièrement les pays européens en difficulté, ce fonds devait être le sauveur de la zone euro.

Mais en pratique, les marchés s’interrogent, notamment depuis que des pays comme l’Espagne et l’Italie ont rejoint, cet été, le bataillon des États dont les déficits deviennent critiques. Doté de 440 milliards d’euros, le FESF ne disposerait pas de l’argent nécessaire si les dettes de Rome et Madrid suivaient l’exemple grec car l'ensemble des dettes des pays fragilisés s'élèvent déjà à plus de 1 000 milliards d'euros.

La gouvernance européenne en retard

Sous la direction de l’Allemagne et de la France, les pays de la zone euro semblent mal armés pour affronter les marchés. Ils voulaient calmer les marchés financiers en augmentant les pouvoirs du FESF lors du second plan de sauvetage de la Grèce. Sauf qu’"il est devenu de plus en plus évident que cette solution n’est pas à la hauteur des défis du moment", juge Jérôme Creel.

La zone euro doit, en outre, faire face à une situation paradoxale. Les marchés attendent d’elle des mesures fortes pour être rassurés et demandent en même temps aux Etats européens de réduire leur déficit, "ce qui rogne leur marge de manœuvre pour prendre des décisions à même de relancer l’économie", analyse Jérôme Creel.

Les banques n’ont pas joué leur rôle

"Les banques qui ont été soutenues massivement par les États n’ont pas joué leur rôle, qui était de prêter aux petites et moyennes entreprises pour soutenir la relance", constate Jérôme Creel, qui note qu’elles ont préféré investir dans des obligations - désormais pointées du doigt par les marchés - émises par les États pour financer leurs déficits et continuer à investir.

Conséquence : Comme les investisseurs ont perdu confiance dans la dette souveraine de plusieurs pays, les banques sont devenues, depuis mi-août, les principales victimes des récentes turbulences sur les marchés financiers. Elles ont perdu environ 10% de leur valeur depuis vendredi, selon l’indice bancaire établi par Bloomberg.

Les marchés de plus en plus frileux

À l’heure actuelle, les investisseurs ne savent plus où donner de la tête. "Après avoir sous-estimé le risque en 2008, les marchés ont tendance aujourd’hui à le surestimer", explique Jérôme Creel. Partout, la récession semble pointer le bout de son nez. "Même en Asie, où la croissance est pourtant forte, ils se disent que le boom va entraîner de l’inflation qui fera augmenter le prix des matières premières et donc renforcera les difficultés économiques dans les pays occidentaux", relève Jérôme Creel. Il est donc devenu très difficile pour les entreprises de trouver de l’argent sur les marchés financiers.

Le Fonds monétaire international (FMI) met de l’huile sur le feu

"C’est Christine Lagarde qui a lancé la phase II de la crise économique", écrit sur le très respecté blog américain Naked Capitalism l’économiste Yves Smith. Fin août, la toute nouvelle directrice du FMI a, en effet, provoqué la panique sur les marchés en appelant à une recapitalisation du secteur bancaire européen alors que quelques mois plus tôt, en tant que ministre française de l’Économie, elle assurait le contraire. "Même si elle a peut-être raison sur le fond, c’était une déclaration dangereuse dans le contexte actuel de nervosité des marchés", tranche Jérôme Creel, qui regrette toutefois que de simples déclarations puissent avoir de telles répercussions sur les marchés financiers.

La pression constante des agences de notation

Depuis le début de la crise grecque en 2010, les trois grandes agences de notation, Fitch, Moody's et Standard's & Poor ne desserrent pas l'étau sur les États les plus endettés. D'après les calculs de FRANCE 24, par exemple, l'Irlande a vu sa note baisser huit fois par chacune des trois agences de notation depuis juillet 2010.

"Elles ont été taxées de laxisme après la crise des 'subprimes', cette fois-ci, elles tombent dans l’excès inverse pour se prémunir", avait expliqué en juillet dernier à France 24 Iain Begg, spécialiste de l'économie de la zone euro à la London school of economics. Une tendance à dégainer l'arme de la dégradation de la dette qui a souvent été pointée du doigt comme l'une des principales raisons dans les tumultes actuelles de la zone euro.