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Belhadj, un djihadiste repenti à la tête du Conseil militaire de Tripoli

La bataille de Tripoli a révélé la présence de groupes islamistes au sein des combattants anti-Kadhafi. Parmi eux, Abdelhakim Belhadj, qui a mené l'insurrection armée dans la capitale libyenne, dirige maintenant le Conseil militaire de Tripoli.

Après avoir mené l’insurrection armée à Tripoli, le Libyen Abdelhakim Belhadj, de son nom de guerre Abou Abdallah al-Sadek, se retrouve aujourd’hui à la tête du Conseil militaire de Tripoli, organe militaire du Conseil national de transition (CNT) dans la capitale libyenne.

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Abdelhakim Belhadj répond à FRANCE 24 (extrait)

"Abdelhakim Belhadj dirige le Conseil militaire de Tripoli, il partage le rêve de tous les révolutionnaires libyens, celui de construire un pays démocratique", déclarait, le 28 août, le colonel Ahmed Omar Bani, porte-parole militaire du CNT depuis Benghazi.

Lors d’une conférence de presse deux jours plus tôt, Abdelhakim Balhadj annonçait que toutes les brigades sous son commandement prendraient désormais leurs ordres auprès du Conseil national de transition.

Un passé de djihadiste

Belhadj, dont l'âge est estimé à 45 ans, serait l'un des co-fondateurs du Groupe islamique combattant en Libye (GICL), créé en 1995 par des djihadistes ayant pris part à la première guerre d'Afghanistan (1979-1989) qui oppose les Soviétiques aux partisans afghans. De retour en Libye au début des années 90, ces moudjahidines libyens avaient tenté à plusieurs reprises de renverser Mouammar Kadhafi pour instaurer un État islamique, mais sans y parvenir.

Après l’anéantissement des réseaux du GICL par les services de sécurité kadhafistes, Belhadj aurait trouvé refuge en Afghanistan en 1999 et participé à la création de camps djihadistes dans le pays. Après le renversement du régime taliban par les États-Unis en 2001, il aurait vécu dans plusieurs pays musulmans avant d’être arrêté en Asie du Sud-Est par la CIA. En 2004, les Américains l'extradent vers la Libye où il est immédiatement emprisonné.

De la repentance à la rébellion

Fin 2007, toujours détenu, Abdelhakim Belhadj refuse de participer à la création d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), comme la majorité des combattants islamistes libyens.

En 2009, il renonce publiquement à la violence, suite à des discussions entre les chefs de groupes islamistes emprisonnés et le pouvoir qui aboutissent à la publication, en septembre 2009, d’un document de 417 pages, appelé "Les études correctrices". Les islamistes y décrètent que la guerre sainte contre Kadhafi est illégale et n’est permise que dans les pays musulmans envahis.

Le 23 mars 2010 Abdelhakim Belhadj est libéré dans le cadre de l'amnistie d'islamistes libyens.

Dès lors, Belhadj se montre discret. Jusqu’en mars 2011 où, un mois après les premières manifestations hostiles à Kadhafi, des combattants issus du GICL apportent publiquement leur soutien au mouvement de révolte et nient d’emblée toute affiliation avec Al-Qaïda. Belhadj prend alors la tête des insurgés de l’Ouest qui, avec le soutien de l’Otan, atteignent Tripoli le 22 août et participent à la prise du QG de Kadhafi, Bab al-Aziziya.

Plus politique que religieux

"[Belhadj] a davantage de considérations politiques que religieuses", explique Noman Benotman, ancien commandant du GICL et désormais expert au sein du centre de réflexion britannique Quilliam, à l’AFP. Le Mouvement islamique pour le changement en Libye, émanation du GICL, a endossé le principe d'une Libye démocratique et "il a clairement fait savoir qu'il s'engagerait et qu'il participerait à tout processus politique dans l'après-Kadhafi", ajoute l’expert.

Il estime que Belhadj et ses combattants "ne peuvent être considérés comme des "djihadistes", selon l'acception internationale du terme" puisqu’ils acceptent le principe de la démocratie.

Une opinion que ne partage pas Anis Rahmani, journaliste algérien et auteur de "Al-Qaïda au Maghreb islamique : Contrebande au nom de l'Islam". "Il s’exprime assez peu et n’a pas déclaré de façon claire et nette ses convictions. Je pense que c’est parce qu’il ne veut pas être attaqué ; au fond, c’est toujours un djihadiste", déclare-t-il à France24.com

Même s'il est souhaitable que les islamistes djihadistes acceptent réellement de jouer le jeu démocratique, il est aussi possible que des dissentions se révèlent au sein des anti-Kadhafi, estime le journaliste.