
Deuxième ville de France et important port de la Méditerranée, Marseille subit une recrudescence de la criminalité. À moins d'un an de la présidentielle, le gouvernement tente de reprendre la situation en main.
En nommant Alain Gardère nouvel homme fort de la sécurité à Marseille (sud de la France), le gouvernement français veut marquer les esprits. L’homme, proche du président Nicolas Sarkozy et ancien membre du cabinet du ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, a pris ses fonctions à la préfecture de Marseille lundi. En deux ans, il est le troisième préfet délégué à la sécurité à être nommé dans la cité phocéenne, en proie à une forte recrudescence de la criminalité et où, dans certains quartiers, des gangs armés de Kalachnikov tentent de faire régner leur loi.
Le ministre de l’Intérieur lui-même s’est rendu lundi à Marseille pour introniser son dauphin. "Alain Gardère devra innover sur le plan stratégique et méthodologique à Marseille pour qu'une situation maîtrisée de la sécurité règne dans cette ville enfin", a affirmé le ministre à l’AFP.
Assassinats et racket
Depuis plusieurs années, le taux de criminalité a fortement augmenté dans la deuxième ville de France. En moyenne, 26 personnes se font physiquement agresser chaque jour. Les vols ont augmenté de 23% par rapport à 2010, les cambriolages de 14% et les vols à main armée de 40%, selon des chiffres du ministère de l’Intérieur. Plus inquiétant encore, le nombre de meurtres a augmenté de 9% entre le premier trimestre 2010 et le premier trimestre 2011.
À ces chiffres se sont aujoutés plusieurs événements qui ont mis le feu aux poudres. En juillet, la ville a été le théâtre de règlements de comptes sanglants : Roland Gaben et Souhel Hanna-Elias, deux figures du grand banditisme phocéen, ont été assassinés en pleine rue les 20 et 29 juillet derniers. Depuis janvier 2010, 23 exécutions similaires ont eu lieu dans la ville. Puis fin août, la diffusion sur France 3 d’images d’automobilistes, rackettés par un gang dans un parking public, ont achevé d’agacer la présidence, et a coûté son poste à l'ancien préfet délégué à la sécurité, Gilles Leclair, en fonctions depuis seulement huit mois.
À un an de la présidentielle, pas question pour l'Élysée de laisser ces zones de non droit s’installer dans le chef-lieu des Bouches-du-Rhône. Mais Alain Gardère, ancien patron de la sécurité publique d'Ille-et-Vilaine, va devoir faire face à de lourds défis. Ni la police, ni les associations de quartier ne savent vraiment comment éradiquer la culture criminelle à Marseille.
La Kalachnikov, "le nouvel Opinel"
La Kalachnikov AK-47, symbole des zones de guerre et de non droit, est si répandue dans le milieu de la pègre marseillaise que l’arme est devenue l’accessoire criminel par excellence, selon le porte-parole du syndicat de police Unité, David-Olivier Reverdy.
"C’est le nouvel Opinel dans les rues de Marseille", affirme-t-il. La plupart des Kalachnikov, monnayées aux alentours de 500 euros pièce, arrivent à Marseille via son port de commerce.
"Les jeunes délinquants prennent des risques incroyables en utilisant des armes à feu pour cambrioler de petits commerces, poursuit le policier. Ils n’ont pas l’air de se rendre compte qu’ils risquent 20 ans de prison. Tout ça pour ne pas ramener plus de 150 euros chez eux, la plupart du temps".
Il y a encore quelques années, selon David-Olivier Reverdy, les petites frappes volaient des téléphones portables pour se faire un peu d’argent. Un business inutile maintenant que la plupart des appareils sont inutilisables une fois volés. Les criminels sont bien plus intéressés par l’argent liquide et l’or.
"Marseille a besoin de plus de logements sociaux et de plus d’emplois"
"Aujourd'hui, les délinquants vont directement aux vols à main armée, explique encore le policier. Ils ne sont plus l’apanage de la grande criminalité et, par conséquent, Marseille souffre d’une culture de l’ultra-violence".
David-Olivier Reverdy ne voit qu’une solution : augmenter le nombre de policiers dans les rues de la ville. C’est également l’analyse d’Alain Gardère, le nouveau préfet délégué à la sécurité. "Nous avons besoin de plus de policiers dans les rues et nous avons besoin de meilleurs renseignements sur les cités, a-t-il déclaré lundi. Nous voulons également que les médias jouent le jeu et parlent de nos succès. Marseille n’est pas le Bronx."
Mais les associations de quartiers ne sont pas forcément partisans du tout répressif. "Je suis d’accord pour que les policiers combattent plus efficacement les gangs. Mais Marseille a aussi besoin de plus de logements sociaux, de plus d’emplois et de meilleures perspectives d’intégration", affirme à France 24 Noureddine Abouakil, président de l’association Un centre ville pour tous.
Claude Guéant et Alain Gadère ont promis l’arrivée de deux compagnies de CRS et d’une centaine d’officiers de policiers anti-émeute à Marseille. "La police n’est qu’un levier, estime Noureddine Abouakil. Si nous ne tentons pas de résoudre les problèmes sociaux, on ne s’en sortira pas".