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Les petites culottes, une arme contre les "Taliban hindous"

Les extrémistes hindous de Sri Ram Sena menacent de marier de force les couples illégitimes surpris en rendez-vous galant à la Saint-Valentin. Des milliers d'Indiennes se préparent à protester en leur envoyant une petite culotte rose.

Le 14 février, le leader extrémiste hindou Pramod Mutalik a trouvé des piles de petites culottes roses ("chaddi" en hindi) devant la porte de son bureau de Bangalore, la capitale indienne des nouvelles technologies dans l’Etat de Karnataka, au sud de l’Inde.

Ce sont les cadeaux de Saint-Valentin de milliers de femmes indiennes choquées après que le groupe hindou Sri Ram Rena a menacé de marier immédiatement toute jeune femme trouvée en galante compagnie le soir de la Saint-Valentin. Le groupe, qui veut faire office de police "morale", prévoit de patrouiller dans les bars, restaurants et cinémas le 14 février.

Expédition punitive

"Nous faisons de la prévention dans les universités et si nous trouvons des couples en train de fêter la Saint-Valentin, nous prendrons les mesures nécessaires", prévient Prasad Attavar, le vice-président de Sam Rena. "Boire, danser dans les bars et faire la fête ce jour-là est contraire aux traditions hindoues."

Les menaces du groupe, qualifié de "Taliban hindous" par leurs détracteurs, arrivent quelques jours après que les militants de Sena ont brutalement battu les femmes qui fréquentaient un bar de la ville voisine de Mangalore le 24 janvier. Cette expédition punitive inattendue a provoqué la fureur des jeunes urbains indiens et déclenché une révolution sur Internet.

La campagne des Pink Chaddi a commencé sur Internet par la création d’un blog, le Consortium des femmes libres, progressistes et amatrices de bars. C’est Nisha Susan, une journaliste de New Delhi, qui en est à l’origine. Susan et ses amies ont également lancé un groupe sur Facebook.



"C’est la première fois que j’assiste à un tel mouvement de colère", dit Jasmine Patheja, une militante féministe active sur Internet et la fondatrice du blog Blank Noise qui combat le harcèlement.

Depuis le 11 février, pas moins de 3 000 membres ont confirmé l’envoi de leurs sous-vêtements au domicile de Mutalik ou convenu de les déposer chez lui en personne. Environ 1 500 autres se sont engagées à en promouvoir et en soutenir la cause.


“Le groupe sur Facebook a été lancé par un groupe d’amis en réaction aux incidents de Mangalore. Personne ne s’attend à être tabassée dans les rues", explique à FRANCE 24 Samir Gandhi, un porte-parole de la campagne. "Pour nous, faire campagne sur le Net était la façon la plus simple pour protester pacifiquement et sensibiliser les autres."

Échange saris contre culottes


Les organisateurs ont aussi demandé à leurs sympathisants du monde entier de se rendre dans les pubs le 14 février pour défier l’interdiction des radicaux  hindous. "Peu importe que vous ne soyez pas un client régulier de pub ou même un consommateur d’alcool, trinquons (même au jus de fruit) à la santé des femmes indiennes", écrit Susan sur son blog.

Et de nombreux Indiens ont répondu à l'appel. "A Bangalore, des centaines d'hommes et des femmes ont afflué dans les bars de la ville, témoigne Divya R., une autre militante féministe. Certaines jeunes filles s'y sont rendues en tenue légère. Plusieurs chauffeurs de taxi ont même proposé des courses gratuites pour que les gens puissent se rendre sans problème dans les bars."

L'appel lancé par Nisha Susan a suscité un véritable engouement aux quatre coins du pays.

Kismet Nakai, 25 ans, habite à Chandigarh, une ville du nord de l'Inde. Elle aussi se rendra dans le bar de son quartier. Sans aucune crainte. "Qu'est-ce qu'ils vont faire ? Punir un million d'Indiennes ?"

Promila Bagdee, une consultante de 26 ans originaire de Delhi, a signé la pétition parce qu’elle ne veut pas que d’autres dicten

t aux femmes ce qu'elles peuvent ou ne peuvent pas faire.

"Ces extrémistes ne peuvent pas nous imposer leurs points de vue. J’appartiens de plein droit à la culture hindoue et tous mes actes s’inscrivent dans les limites de ce qu’elle dicte", explique Promila Badgee dans un entretien téléphonique. "Si ça me plaît de sortir dans un bar et que mes parents sont d’accord, qui sont ces militants hindous pour m’interdire de le faire ?"

Les organisateurs de la campagne ont choisi la couleur rose par contraste avec le jaune safran souvent porté par les extrémistes. Si les supporters de la campagne ne souhaitent pas envoyer leur culotte directement au domicile de Mutalik, elles peuvent le déposer à différents points de collecte dans les villes du pays recensées sur un blog.

Mais le groupe Sri Ram Sena ne prend pas leur combat très au sérieux. "Nous ne nous sentons pas très concernés par ce mouvement", confie Attavar à  FRANCE 24. Sena prévoit de distribuer aux femmes des saris roses en échange de leurs petites culottes.