La prise du quartier général de Mouammar Kadhafi, mardi à Tripoli, revêtait une portée hautement symbolique. Mais pour les forces anti-Jamahiriya, la traque du dirigeant libyen en fuite débute seulement. Et les pistes sont nombreuses.
À Tripoli, deux jours après la prise de Bab al-Aziziya, le quartier général de Mouammar Kadhafi, les opposants à la Jamahiriya continuent de traquer le dirigeant libyen en fuite.
Dans une intervention radiodiffusée, Mouammar Kadhafi affirmait mercredi s’être promené incognito dans les rues de Tripoli. Mais, après quarante-huit heures de ratissage, l’hypothèse d’une fuite du colonel vers l’extérieur de la ville prend de plus en plus de poids.
Pour la majorité des experts, Mouammar Kadhafi est toujours en Libye. Roland Jacquard, président de l’Observatoire international du terrorisme, explique à l’antenne de FRANCE 24 qu’il n’a pas pu quitter le pays : "Selon des écoutes interceptées par les services occidentaux dans la région, Kadhafi serait toujours en Libye, il n’aurait pas pu quitter le territoire. Son chef de la sécurité personnel était en charge de lui trouver un certain nombre de caches en cas de guerre."
Syrte comme abri temporaire ?
À travers le vaste territoire libyen, les "caches" éventuelles de Kadhafi sont à première vue nombreuses. Abdallah Ben Ali, chroniqueur politique internationale pour FRANCE 24, estime qu’il pourrait se dissimuler à Tripoli même, dans l’un des nombreux souterrains construits sous sa résidence de Bab al-Aziziya. Ce réseau secret construit sous l'ancienne place forte du régime totaliserait au minimum 50 km de couloirs.
Mais même si Mouammar Kadhafi martèle qu’il est toujours à Tripoli, la traque s’étend déjà à tout le pays. La ville de Syrte, dernier bastion des loyalistes, dont est originaire le colonel, constituerait une option temporaire pour le dirigeant en fuite.
Mais ce ne pourrait être en aucun cas une solution à moyen terme, alors que les forces opposées au régime convergent vers la ville et affirment que sa conquête n’est qu’une question de temps, explique Abdallah Ben Ali : "Il y a cette probabilité qu’il aille vers Syrte, mais comme la ville est encerclée, son sort serait quasiment scellé. Ce serait suicidaire. Donc, le scénario le plus probable est qu’il se dirige vers le grand sud, dans la région de Sabha où une partie de sa tribu pourrait lui offrir un refuge."
Au sud, la terre promise ?
Cette trame semble la plus plausible. Et elle est d’ailleurs quasi-unanimement reprise par les analystes : "Dans le sud du pays, il y a plusieurs possibilités. Aujourd’hui, beaucoup penchent pour la zone de Katroun à l’extrême sud du Sahara, là où il s’était déjà réfugié en 1986 après les bombardements américains. Et puis aussi peut-être à Houn. C’est une ville qui est à mi-chemin entre la côte et le désert et où réside sa tribu", décrypte Roland Jacquard.
Si Kadhafi opte pour l’extrême sud du pays, il pourrait trouver de nouveaux alliés susceptibles de faciliter sa cavale. Le colonel, fin manœuvrier, entretient des relations pacifiques avec les Touaregs. Mais là encore, malgré les ententes négociées par le passé, le rapport de forces n’est plus en sa faveur.
Certains Touaregs ont déjà rallié les rangs de l'opposition et ouvert des fronts, notamment dans la région du Fezzan où se trouve la ville de Sebha. Et, comme le reconnaît Roland Jacquard, la récompense offerte par le CNT (1,7 million de dollars et une amnistie pour celui qui livrera le fuyard) "peut faciliter sa capture, parce qu’aujourd’hui, il y a des gens dans l’entourage de Kadhafi, notamment dans l’ex-garde républicaine, qui peuvent être tentés par une prime de ce type."
Exil ?
Si Mouammar Kadhafi sent le vent tourner, il pourrait tout de même avoir une dernière option : l’exil. En profitant de la porosité des frontières désertiques du pays, au Sud, il a la possibilité de rejoindre le Tchad, le Niger ou l’Algérie.
Ce dernier refuge, notamment, pourrait constituer une option viable, d’autant que l’opposition libyenne a déjà manifesté son mécontentement à l’égard d’Alger, à qui elle reproche d’avoir soutenu Kadhafi jusqu’au bout. D’autres perspectives avaient été un temps envisagées en fin de semaine dernière, notamment un exil en avion vers l’Afrique du Sud ou le Venezuela. Des rumeurs qui ont vacillé depuis la prise de Bab al-Aziziya.
Mais les experts s’accordent presque tous sur le caractère temporaire de ces solutions. Sur l’antenne de FRANCE 24, Sylvain Attal, spécialiste de politique internationale de la chaîne, conclut : "Il sera sûrement protégé dans le sud. Après, tout va dépendre d’un rapport de forces compliqué qui va se mettre en place entre le nouveau pouvoir libyen et ces fameuses tribus. Mais même si c’est une question de temps, c’est trop important pour la Libye nouvelle pour qu’elle renonce à le capturer et le juger. C’est dans la logique de l’effondrement complet du régime."