logo

Bab al-Aziziya, la tente de béton du colonel Kadhafi

Les rebelles ont réussi à pénétrer dans l'enceinte du complexe fortifié du colonel Kadhafi à Tripoli. Le quartier général de Bab al-Aziziya, considéré jusqu'à récemment comme une forteresse imprenable, est un véritable symbole en Libye.

Mouammar Kadhafi prétendait y mener une vie de bédouin "sous sa tente". Mais c’est un bédouin sédentaire sous une tente de béton. Retranché un temps entre les murs de sa résidence Bab al-Aziziya, à Tripoli, le dirigeant libyen y a géré la guerre contre son propre peuple depuis la mi-février.

Située près du centre de la capitale, cette caserne fortifiée de quelque six kilomètres carrés est le cœur du régime de Mouammar Kadhafi qui y a vécu avec ses enfants, sa femme, ses conseillers les plus proches et autres éminences grises de son gouvernement.

Selon les journalistes qui se sont rendus sur place, le refuge est entouré de trois murailles de béton, gardées par les meilleures troupes du pays. De l’extérieur, un rempart entoure la zone comme une prison de haute sécurité. À l’intérieur, la "tente" de Kadhafi dissimulerait en fait plusieurs bunkers. 

Un bunker sophistiqué
Échaudé par les bombardements de 1986 qui ont failli lui coûter la vie, Kadhafi aurait fait construire un blockhaus si profond qu’il pourrait, selon la rumeur, résister à une attaque atomique.
"C’est comme une forteresse médiévale, mais tout à coup, on prend un ascenseur et on descend ; et là, c’est la modernité la plus totale avec des moyens de communication, des portes blindées…", témoigne le sociologue suisse Jean Ziegler, invité à la Télévision Suisse Romande (TSR) le 22 août, qui a visité les lieux avant l'insurrection.
Kadhafi peut y tenir plusieurs semaines, grâce à des réserves de vivres et des moyens de communication et de transmission sophistiqués, dont un studio de télévision où il est apparu le 22 février dernier.
"Kadhafi se cache depuis des décennies derrière ces murs, à l’abri de son peuple. Le vaste complexe de Bab al-Aziziya n’est pas seulement sa résidence personnelle, c’est aussi, et surtout, le QG de son régime, avec des centres de commandement et une caserne", décrivait le général britannique Nick Pope, le mois dernier, après des bombardements de l’Otan qui avaient infligé d’importants dégâts au complexe fortifié.
Symbole du régime
Le refuge est devenu l’un des symboles du régime depuis qu’il a été la cible, en 1986, de bombardements américains. Après l’attentat d’une discothèque de Berlin, attribué au régime libyen, où deux soldats américains avaient été tués, le président américain, Ronald Reagan, avait ordonné le bombardement du palais dans la nuit du 14 au 15 avril.
Si le Guide y avait réchappé de justesse, il a toujours affirmé que sa fille adoptive de 15 mois, Hana, avait été tuée et deux de ses fils blessés durant l’offensive. Cette version officielle a perduré pendant 26 ans. En fait, Hana serait bien vivante et elle aurait dirigé l'hôpital de Tripoli jusqu'à la fuite de Mouammar Kadhafi. 
Depuis, les dégâts causés par l’attaque sont présentés par le régime comme des trophées. En témoigne l’immense statue qui trône dans l’enceinte : un poing écrasant un avion américain.
La cible de l’Otan et de l’insurrection

Carte de situation de Tripoli


Afficher Les principaux théâtres de combats à Tripoli sur une carte plus grande

Depuis mars dernier, la caserne de Kadhafi est devenue la cible des attaques de l’Otan contre lesquelles le dirigeant libyen se protégeait en utilisant des boucliers humains. Chaque soir, des centaines d’habitants de Tripoli se réunissaient autour du mur d’enceinte pour crier leur fidélité au colonel, empêchant ainsi toute offensive aérienne.

Désormais, les insurgés, appuyés par l’Alliance, intensifient leurs attaques pour débusquer Mouammar Kadhafi, alors que trois de ses fils ont déjà été arrêtés. Mardi soir, de violents combats à la roquette et à l’artillerie lourde ont été constatés par des journalistes de l’AFP autour du complexe résidentiel.
Les rebelles auraient pacifié entre 85 et 90 % des quartiers de Tripoli, selon les chiffres du CNT ; il ne leur reste donc plus aujourd’hui qu’à mettre la main sur le doyen des dictateurs arabes. Mais les rebelles le trouveront-t-ils à Bab al-Aziziya dont ils ont réussi à forcer les imprenables enceintes mardi après-midi? Mouammar Kadhafi n’a pas donné signe de vie depuis l’arrivée des rebelles dans la capitale. Si le Pentagone affirme qu’il n’aurait pas quitté le pays, nul ne sait s’il se trouve retranché dans les entrailles souterraines de son bunker, s'il se trouve même encore dans la capitale ou s’il a fui dans le sud de la Libye.