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À Kaikor, la sécheresse a fait ses premières victimes. Douze personnes sont mortes de faim dans ce village du nord du Kenya. James André et Duncan Woodside, envoyés spéciaux de France 24, se sont rendus sur place. Reportage.
"Ma femme est morte de faim il y a quatre jours". Ces mots glacent le sang, mais Nakwawi les prononce sans effusion. "Ses membres sont devenus très faibles. Nous étions affamés et il n’y avait aucune aide médicale." Cet homme de 75 ans, qui habite le village de Kaikor, au nord du Kenya, n’a pas mangé depuis trois jours. Mais qu’importe la faim ou l’implacable chaleur, rien ne l’empêche de se rendre chaque jour sur la tombe son épouse afin de s’y recueillir.
Comme le reste de la Corne de l’Afrique (Éthiopie, Djibouti, Somalie, Ouganda), le Kenya traverse actuellement l’une des pires sécheresses de son histoire, conséquence de deux saisons sans pluie qui ont conduit à des pénuries agricoles et à la perte du bétail. La famine, déclarée par l’ONU et les organisations humanitaires depuis la mi-juillet, menace plus de 12 millions d’individus. Une menace d’autant plus préoccupante qu’aucune pluie n’est prévue dans la région avant novembre.
La faim, un problème "politique"
Dans le village de Nakwawi, les villageois, des Turkana [peuple d’Afrique de l’Est, présent au nord-ouest du Kenya et en Éthiopie, NDLR], souffrant de la faim, attendent toujours une aide humanitaire. Leurs corps sont squelettiques et leurs visages décharnés. La tribu, qui vit normalement de l’élevage, a perdu tout son bétail.
Venu pour évaluer l’urgence de la situation, un député de la circonscription, John Munyes, reproche au gouvernement d’avoir tardé à réagir. Pour lui, le problème est surtout politique. Micro à la main, visage bien portant, bras potelés, John Munyes détonne du reste de la population. Sur la place du village, tous écoutent son discours indigné. "Nous pouvons régler le problème de la famine sur le budget du gouvernement, nous pouvons le faire… Les Kenyans seraient ravis de voir le budget utilisé pour aider les pauvres, servir à sauver ceux qui meurent de faim. Ils seraient heureux de voir l’argent bien dépensé."
Le discours condamne plus qu’il n’apporte de solutions. En deux mois, douze personnes sont mortes à Kaikor. Selon l’envoyé spécial James André, l’aide commence peu à peu à s’organiser. Mais pour les Turkana qui enterrent leurs morts, elle arrive bien trop tard.