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La France peut-elle perdre à son tour sa note AAA ?

L’abaissement inédit de la note souveraine américaine suscite bien des craintes. La France, comme le reste de la zone euro, sait que les marchés financiers suivent de près la politique de réduction des déficits publics. Mais que risque l'Hexagone ?

A qui le tour ? Après la dégradation de la note souveraine des États-Unis par l'agence Standard & Poor's, la question semble devoir se poser désormais pour la France, souvent considérée par les milieux financiers comme la mauvaise élève du cercle très fermé des notes "AAA" de la zone euro (France, Allemagne, Pays-Bas, Autriche, Finlande et Luxembourg). Si l’Hexagone ne devrait pas subir, dans l’immédiat, le même sort que les États-Unis, il cumule tout de même quelques handicaps aux yeux des agences de notations : déficit croissant de son commerce extérieur, perte de compétitivité, croissance en berne. La France va également terminer l’année 2011 avec un déficit public de l’ordre de 5,5% de son PIB, un chiffre bien supérieur à celui ses homologues européens (-3,7% pour les Pays-Bas, -2% pour l’Allemagne, -1% pour la Finlande).

"La France n’est pas vraiment un pays "AAA", estime Paul Donovan, économiste pour la banque UBS. Elle n’est d’ailleurs pas traitée comme un pays doté de cette note par les marchés puisqu'elle n'imprime pas sa propre monnaie", précise-t-il encore. Un communiqué publié par la société britannique de conseil en investissements financiers BBH, basée à Londres, ne fait pas de mystère : "Le pays est sur la corde raide. Plus la tension sur les marchés monte, plus la note de la France est menacée".

L’Hexagone condamné à réduire ses déficits

En France, pourtant, on se refuse à montrer des signes de nervosité. Même si le président Nicolas Sarkozy a interrompu pendant une journée ses vacances pour présider une réunion de crise le 10 août, il a exclu - pour le moment - de faire une intervention publique qui pourrait être interprétée comme un signe d’inquiétude ou de fébrilité. Les ministres de l'Économie et du Budget, François Baroin et Valérie Pécresse, ont réaffirmé de leur côté les engagements de l’Hexagone en matière de réduction de son déficit public. Le message est clair : la France compte bien conserver la note AAA qui lui permet de continuer d'emprunter sur les marchés financiers à des taux aussi bas que possible.

"Nous avons pris l’engagement d'être, en 2013, au même niveau de déficit qu'en 2008, et nous serons à ce rendez-vous là", a déclaré lundi soir François Baroin, invité sur la chaîne TF1. Le gouvernement français a fixé le cap en tablant sur une réduction de son déficit public à 4,6% fin 2012, à 3% fin 2013 et à 2% fin 2014. Interrogé sur l'abaissement de la note souveraine américaine, le ministre de l'Économie a d'ailleurs souligné que "la même agence qui [avait] dégradé les États-Unis a [également] déclaré (…) que la France conservait sa meilleure notation du fait d'une politique budgétaire intelligente". Même confiance affichée du côté de Valérie Pécresse : "Notre trajectoire de retour aux équilibres publics est la bonne", a-t-elle déclaré ce mardi sur RTL.

Une menace pour la zone euro

La multiplication des déclarations gouvernementales n'enlève rien aux risques, bien réels, de voir une agence dégrader la note souveraine française. L’un des principaux instituts allemands d'observation de la conjoncture économique, le DIW, a d'ailleurs mis en garde, ce mardi, contre un abaissement de cette note qui pourrait provoquer une "désintégration de la zone euro." Dans une telle hypothèse, le DIW craint qu’une baisse de la note souveraine de l’Hexagone ne vienne mettre à mal le Fonds européen de stabilité financière (FESF) mis en place par les dirigeants de la zone euro en mai 2010 pour offrir une aide financière aux pays membres de l'Union monétaire en difficultés, et dont la France est le deuxième plus important contributeur.

"La stabilité du FESF dépend de la qualité de ses garants, comme la France. Si ces derniers ne sont plus fiables, les conditions de mises en place de mécanismes de soutien au reste de la zone euro vont se dégrader", explique Benjamin Carton, spécialiste économique au Centre français d'étude et de recherche en économie internationale (CEPII), à Paris.

Autre scénario qui inquiète les observateurs : l'hypothèse d'une faillite italienne ou espagnole. "Si un de ces deux pays venaient à s'écrouler, la France serait obligée de participer à un plan de sauvetage qui affaiblirait en retour les finances de l'Hexagone", estime Frédéric Bonnevay, économiste chez Anthera Partners, spécialisé dans la gestion de risque financier.

Le déficit public, au cœur de la présidentielle 2012 ?

Pour le moment, rien ne sert de céder à la panique. "La France n'est pas gravement menacée, tempère Benjamin Carton. Les agences de notations ont accueilli favorablement la réforme des retraites menée par Nicolas Sarkozy, et elles louent la capacité de notre pays à se réformer", ajoute-t-il.

Ce spécialiste du CEPII espère que cette menace d’un abaissement de la note française pourra au moins servir d'électrochoc, à quelques mois de l'élection présidentielle de 2012. "La France n’a jamais placé la politique de réduction budgétaire au cœur de ses préoccupations depuis les années 1980. C’est désormais vital pour le pays", souligne-t-il. "Encore faudra-t-il que les politiques arrivent à dépasser les affrontements partisans pour définir une ligne politique commune."

Au-delà du cadre national, la situation devrait sensiblement s'améliorer sur le marché de la dette en Europe grâce à l'intervention de la Banque centrale européenne. "La BCE limite les risques d'un effondrement des places financières en rachetant des obligations d’État italiennes et espagnoles, précise encore l'économiste du CEPII. "Elle rassure donc les détenteurs de titres souverains, effrayés par le risque de n’être jamais remboursés."