L'ONU a publié jeudi un rapport alarmant sur la pollution imputable aux compagnies pétrolière dans la région de l'Ogoniland, au cœur du delta du Niger. Ledit rapport estime qu'un retour à la normale devrait nécessiter plus de 25 ans de travail.
La restauration environnementale du pays Ogoni, au cœur du delta du Niger, pourrait être l'exercice de nettoyage le plus important et le plus long jamais entrepris pour ramener l'eau potable, mais aussi purifier la terre et d'importants écosystèmes contaminés.
C’est la conclusion livrée jeudi par le rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) au terme d’une évaluation "sans précédent". Pendant 14 mois, une équipe de l’agence a examiné plus de 200 sites, étudié 122 km de droits de passage d'oléoducs, passé en revue plus de 5 000 dossiers médicaux et dialogué avec plus de 23 000 personnes dans le cadre de réunions publiques.
"Dans au moins dix communautés ogonies, où l'eau potable est contaminée - avec des niveaux élevés d'hydrocarbures -, la santé publique est sérieusement menacée", relève le PNUE.
La population en danger
De nombreux puits de pétrole se situent en effet dans l’Ogoniland, qui, de fait, est traversé par une multitude d’oléoducs. Depuis des années, des ONG de défense de l'environnement alertent sur l'impact environnemental de l'exploration de brut. Selon elles, les exploitations de pétrole ont non seulement pollué et mis en danger la santé des habitants, mais aussi détruit la pêche et l'agriculture, moyens de subsistance essentiels à la population.
L’équipe d’experts du PNUE a estimé qu’il faudrait de 25 à 30 ans pour nettoyer totalement la région. Elle a donc proposé la création d’un fonds spécial pour l’Ogoniland, qui serait alimenté par les compagnies pétrolières et le gouvernement.
"Un premier investissement d'1 milliard de dollars sera nécessaire pour commencer à nettoyer la couche supérieure du sol, ces cinq prochaines années", estime Ibrahim Thiaw, directeur des politiques environnementales du PNUE
Polémique sur la responsabilité de la pollution
Nombre d’ONG, dont Amnesty, mettent en cause les majors pétrolières et leur négligence. Particulièrement visée, l’anglo-néerlandaise Shell, plus importante et ancienne opérant au Nigeria. Le rapport du PNUE est d’ailleurs accablant pour les sociétés pétrolières, relevant que "le contrôle et l'entretien des installations pétrolières dans l'Ogoniland demeure inadéquat" et que "les propres procédures de Shell n’ont pas été respectées, conduisant à des problèmes de santé publique".
Face à ces accusations, Shell se défend et insiste sur le fait que "la plupart des fuites" ét résultent "de sabotage, de vol et de raffinage clandestin". Shell a ainsi dû quitter l'Ogoniland en 1993, alors que beaucoup d'habitants dénonçaient des dégâts environnementaux. La compagnie a par ailleurs reconnu mercredi sa responsabilité dans deux marées noires dans la région, en 2008 et 2009, s'engageant à verser des compensations.
Des réactions tous azimuts
"Nous nettoyons toutes les fuites depuis nos installations, et ce quelle qu'en soit la cause", a assuré jeudi la compagnie. "Nous continuons de travailler avec nos partenaires au Nigeria (...) pour résoudre ces problèmes et aider à nettoyer l'Ogoniland."
Mais Amnesty international pointe également la responsabilité du gouvernement nigérian, notamment son échec à "contrôler des compagnies comme Shell".
Le président Goodluck Jonathan a lui assuré qu’il allait étudier les moyens de "gérer le rapport" en discutant notamment avec Shell. En attendant, la situation demeure particulièrement dommageable pour les habitants de la région...