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Vers une redéfinition de la présence militaire française au Tchad ?

Après 25 ans de mission en territoire tchadien, Paris et N'Djamena envisagent de redéfinir le cadre d’intervention de l'opération Épervier que l'opposition tchadienne qualifie de dispositif "protecteur du régime d'Idriss Déby Itno".

Faire “évoluer” le dispositif Épervier, présent au Tchad depuis 25 ans ? L’idée fait désormais son chemin. Si pendant longtemps, le Quai d’Orsay s'est toujours refusé de parler d’un éventuel retrait, le président tchadien, Idriss Déby Itno, lui, laisse entendre depuis maintenant un an qu’il ne s’y opposerait pas. Début juillet, c’est Alain Juppé, le chef de la diplomatie française, qui a relancé le débat, en estimant que la présence militaire française “ne se justifie pas” au Tchad.

Quelque 1 000 soldats français sont présents sur le territoire tchadien depuis février 1986, date à laquelle celui qui régnait alors en maître sur le pays, Hissène Habré, était aux prises avec les troupes libyennes. Depuis, le dispositif militaire français est resté dans le pays, apportant à la fois son aide à la population civile et son soutien à l’armée tchadienne.

"Épervier a toujours servi de béquille à Idriss Déby"

L’opposition tchadienne est unanime : “le problème de l’Épervier, c’est son soutien à Idriss Déby, au pouvoir depuis plus de 20 ans.” Contacté par FRANCE 24, Ngarlejy Yorongar, président de la Fédération action pour la République (FAR), invite la France à réviser la politique de son dispositif militaire au Tchad. “La présence militaire française devrait servir à réconcilier la classe politique tchadienne et non à maintenir à tour de bras le régime d’Idriss Déby”, déclare-t-il. L’opposant tchadien rappelle qu’“à deux reprises, en 2006 et en 2008, les rebelles étaient prêts à renverser le pouvoir en place, n’eut été l’intervention de l’armée française”.

Un point de vue partagé par Acheikth Ibn-Oumar. L’ancien ministre des Affaires étrangères du Tchad (1989-1990), en exil en France, où France 24 l'a joint par téléphone, considère qu’”Épervier a toujours servi de béquille essentielle" à l'actuel président tchadien. “Mais le dispositif français comble aussi, au bénéfice des Tchadiens, les défaillances des structures étatiques avec, par exemple, la mise en place de l’hôpital militaire Épervier ou la sécurisation de l’aéroport de N’Djamena..., nuance l'ancien chef de la diplomatie tchadienne. Une présence qui, concède-t-il, risque toutefois de "consacrer la dépendance du pays à son ancienne colonie”.

Si l’opposition politique n'exige pas à tout prix le retrait des forces françaises, ce n’est pas le cas des mouvements rebelles tchadiens. L'un de ses chefs, Mahamat Nouri, qui avait failli renverser le régime d’Idriss Déby en 2008, voudrait voir Paris rappeler ses troupes. "Il faut que la France lâche Déby. Il ne faut pas qu'ils [les militaires français] restent au Tchad", a-t-il tranché à l'AFP.

Partiront ou ne partiront pas ? La réflexion est en cours au Quai d’Orsay et des “discussions de haut niveau politique” entre la France et le Tchad seront ouvertes “courant septembre”. Le colonel Maigret, commandant de l’opération Épervier, pense déjà qu’une possible “tentative de déplacement de l’Aqmi [Al-Qaïda au Maghreb islamique, ndlr]" sur le territoire tchadien contribuerait à maintenir la présence du dispositif militaire français.