L'euphorie suscitée par l'élection américaine sur les Bourses mondiales a été de courte durée. Les Bourses asiatiques ont clôturé en forte baisse, alors que les places européennes ont ouvert dans le rouge.
Lisez notre dossier : "Le capitalisme mondial sur la sellette"
La crise économique a rapidement effacé l'effet Obama sur les marchés financiers qui ont replongé jeudi sous le poids de la récession pesant sur l'économie mondiale.
Les mauvaises nouvelles s'accumulent: révision en baisse de la croissance en France, chute de la production industrielle en Espagne, plongeon des ventes de voitures neuves au Royaume-Uni, forte hausse des pertes d'emplois aux Etats-Unis...
Face à ces problèmes, les baisses de taux que devaient annoncer jeudi les Banques centrales européenne et britannique ne pesaient pas lourds pour des marchés résignés à la récession.
A 10H15 GMT, plus de deux heures après leur ouverture, les Bourses de Londres, Paris et Francfort perdaient entre 3,2%, et 3,5%.
En Asie, après avoir flambé en début de semaine, Tokyo a perdu 6,53%, Hong Kong 7,08% et Séoul 7,56%.
"On dirait que les investisseurs se sont réveillés et se sont aperçus que l'arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche n'allait pas tout transformer du jour au lendemain", a ironisé Lee Sun-Yup, analyste chez Goodmorning Shinhan Securities à Séoul.
Mercredi soir, Wall Street avait déjà cédé 5,05%, victime de nouveaux indicateurs rappelant l'ampleur de la dégradation économique que le nouveau président américain devra affronter.
Le secteur privé américain a perdu 157.000 emplois en octobre, après en avoir supprimé 26.000 en septembre. Et l'activité dans les services aux Etats-Unis s'est encore contractée en octobre.
En Europe également, les clignotants économiques sont au rouge.
La France a procédé à une révision "lucide" de sa croissance pour 2009, "entre 0,2% et 0,5%" contre 1% auparavant, a précisé devant le Sénat la ministre de l'Economie Christine Lagarde: "La plus basse jamais retenue par un gouvernement en France", a-t-elle souligné.
Paris a également révisé sa prévision de déficit public, initialement prévu à 2,7% de PIB en 2009 et désormais fixé à 3,1%.
Dans le secteur automobile, un des plus durement touchés par la crise, la mauvaise nouvelle est tombée de Londres où les immatriculations de voitures neuves ont reculé de 23% en octobre par rapport à 2007.
A Tokyo, Toyota, numéro deux mondial de l'automobile, a sabré de plus de la moitié sa prévision de bénéfice pour l'exercice 2008-2009, en évoquant une "situation sans précédent" pour le marché mondial.
Pour la deuxième fois en un mois, la Banque centrale européenne (BCE) devait abaisser jeudi son principal taux directeur pour donner un peu d'air à l'économie. Les analystes pronostiquaient une baisse d'un demi-point à 3,25%.
La Banque d'Angleterre (BoE) devait elle aussi opter jeudi pour une baisse de son taux directeur, actuellement à 4,50%. Certains espéraient une baisse d'un point de pourcentage, ce qui serait une première depuis 16 ans.
La Réserve fédérale américaine, la Banque du Japon et la banque centrale australienne ont déjà abaissé leur loyer de l'argent ces derniers jours. Un mouvement massif de baisse de taux des grandes banques centrales le 8 octobre était resté sans grand effet sur des marchés affolés par l'étranglement du crédit.
Sur le marché des changes, le dollar montait face à l'euro jeudi matin sur les marchés asiatiques, la monnaie unique européenne repassant sous le seuil de 1,29 dollar. Dans un contexte de récession mondiale, le billet vert voit sa position de valeur refuge renforcée.
Le pétrole poursuivait son repli jeudi, face aux craintes d'une baisse de la demande aux Etats-Unis, premier consommateur mondial: à Londres, le baril de Brent cédait moins d'un dollar à 61,5 dollars et à New York le baril de "light sweet crude" perdait un demi-dollar à 64,88 dollars.
Dans un rapport publié jeudi, l'Agence internationale de l'Energie s'attend à ce que le prix du pétrole repasse au-dessus de 100 dollars le baril et dépasse 200 dollars en... 2030.
En attendant, les grands acteurs du capitalisme mondial préparent le sommet du G20 du 15 novembre près de Washington, auquel le président élu Barack Obama pourrait participer.
Un Conseil européen extraordinaire doit réunir les chefs d'Etats et de gouvernements des 27 vendredi à Bruxelles, à la veille d'une réunion à Sao Paulo des ministres des Finances et présidents des banques centrales du G20.
Européens et pays émergents réclament plus de régulation de la finance internationale, mais se heurteront notamment aux Etats-Unis, réticents à toute gouvernance mondiale et que la passation de pouvoir à la Maison Blanche risque d'inciter à l'immobilisme.
La plupart des pays européens --Londres traînant des pieds-- vont tenter de promouvoir un rôle pivot du Fonds monétaire international (FMI) dans un renforcement de la régulation financière internationale : transparence, gestion des risques, coordination entre régulateurs et cohérence des règles de comptabilité et de capitalisation.
L'administration Bush a prudemment jugé mercredi qu'il était probable que ce sommet débouche sur un "plan d'action" à court terme, évitant de grands principes généraux.
Au Canada, un haut responsable du ministère des Finances s'est également déclaré opposé à une refonte en profondeur du système financier mondial et a souligné que son pays allait plaider pour que chaque pays fasse d'abord le ménage chez lui.