Démanteler les camps illicites et lutter contre la "délinquance" des Roms : tel était l’objectif annoncé par le gouvernement français l’été dernier. Un an après, les associations de défense des Roms affirment que leur situation reste inchangée.
En plein cœur de l’été, il y a un an, le gouvernement de Nicolas Sarkozy annonçait un durcissement de sa politique migratoire à l’encontre des Roms. Après le désormais célèbre discours de Grenoble sur la sécurité, au cours duquel le président français déclarait, le 30 juillet 2010, vouloir "mettre un terme aux implantations sauvages de campements de Roms", le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux décrétait une série de mesures destinées à "lutter contre la délinquance des Roms" : démantèlement de 300 camps illégaux en trois mois, reconduite "quasi-immédiate" vers la Roumanie ou la Bulgarie de ceux qui auraient commis des délits.
Un an plus tard, la situation des Roms en France n’a pas changé, à en croire les associations du collectif Romeurope qui travaillent au quotidien, et depuis des années, avec ces populations. "Le gouvernement a fait beaucoup d’annonces mais en réalité, rien n’a changé, affirme Laurent el-Ghozi, président de la Fnasat (Fédération nationale des associations solidaires d'action avec les Tsiganes). Il y a autant de Roms, autant de campements et autant de difficultés. Cette politique est imbécile, inefficace et inhumaine. Elle vise simplement à stigmatiser les Roms sur une base ethnico-raciale."
"Expulsés, les Roms reviennent presque tous en France"
Arrivés en France au début des années 1990, les Roms, originaires de Roumanie et de Bulgarie, sont environ 15 000 à vivre sur le territoire français. Un nombre stable depuis une dizaine d’années.
Depuis l’été 2010, le démantèlement de leurs campements illégaux s’est poursuivi à un rythme soutenu. En février, Brice Hortefeux affirmait que 70 % des 741 terrains illicites – pas forcément occupés par des Roms - recensés au 30 juillet avaient été évacués, dont 118 sur les 190 d'Ile-de-France. Leur nombre n’a pas pour autant diminué : si un camp disparaît à un endroit, un autre apparaît immédiatement un peu plus loin.
"La conséquence de ces évacuations, c'est que les Roms sont régulièrement en errance, dénonce Michel Fèvre de la Ligue des droits de l’Homme. Tous les efforts d’insertion sont détruits : la scolarisation des enfants, la recherche d’emploi, l’accompagnement associatif… Les familles se retrouvent avec leurs valises et doivent tout recommencer." Côté santé, ces évacuations ont également un coût. Les soins sont interrompus ou prennent du retard. "Lorsqu’une personne qui a la tuberculose doit arrêter son traitement parce qu’elle est expulsée, c’est très grave pour elle bien sûr, mais aussi pour toute une population, relève Michèle Mézard, de Médecins du Monde (MDM). C’est une question de santé publique."
Le nombre d’expulsions du territoire français, qui prennent la forme de rapatriements humanitaires [selon cette procédure instituée en 2006, les étrangers en situation de dénuement se voient donner un billet d’avion et 300 euros pour rentrer dans leur pays, ndlr], est resté constant.
En 2010, près de 10 000 Roms ont été renvoyés dans leur pays, selon les chiffres de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Là aussi un chiffre relativement stable depuis quelques années. "Les expulsions de Roms représentaient environ 30 % des expulsions d’étrangers avant l’entrée dans l’Union européenne de la Roumanie et de la Bulgarie en 2007, note Damien Nantes, directeur de l’association Hors la rue. Cette proportion n’a pas changé depuis."
Une politique du chiffre qui n’a toutefois pas fait ses preuves : une grande majorité des Roms expulsés, citoyens européens, reviennent rapidement en France.
Les Roms, des citoyens européens de seconde zone
Selon le collectif Romeurope, les "mesures transitoires" mises en place par Paris sont au cœur du problème bien qu’elles soient légales. À la différence des autres ressortissants européens, Roumains et Bulgares doivent disposer d’un permis de séjour et de travail pour pouvoir exercer un emploi en France.
Ces mesures doivent être prolongées au-delà du délai prévu par la Commission européenne – le 31 décembre 2011 -, au motif de "perturbations graves menaçant son marché du travail". Mises en œuvre par 15 pays européens, elles peuvent être supprimées par chaque État à n’importe quel moment. C’est ce qu’a fait par exemple l’Espagne, il y a deux ans. "Il y a environ 6 000 Roms en âge de travailler en France [la moitié des 15 000 Roms sont des enfants, ndlr], c’est une goutte d’eau ! martèle Alexandre Le Cleve, de la Cimade. Ces mesures sont juste un moyen pour laisser ces populations dans la précarité."
Les associations pointent cependant du doigt un élément "positif" : le sursaut citoyen qui a suivi les déclarations du gouvernement, l’été dernier. Ici et là, militants et collectivités territoriales se sont mobilisés pour trouver des solutions d’hébergement plus stables pour les populations roms. À Choisy-le-Roi en région parisienne, 17 familles, qui avaient été expulsées de leur campement, vivent désormais dans des caravanes, sur un terrain mis à leur disposition par la mairie, avec un accès à l’eau et à l’électricité. À Bordeaux, des familles vivant dans des squats ont été relogées et ont obtenu une autorisation provisoire de séjour.
Des initiatives locales qui ne constituent pas une vraie réponse politique. "Ce qu’il faut, c’est abolir les mesures transitoires et autoriser tout le monde à accéder normalement au marché du travail, répète Laurent el-Ghozi. Les Roms doivent être des citoyens européens comme les autres."