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"Nous n'avons pas viré Moubarak pour avoir une dizaine d'autres militaires à la place !"

, correspondante au Caire, Égypte – Cinq mois après la chute d'Hosni Moubarak, des milliers d'Égyptiens restent mobilisés place Tahrir, au Caire, dénonçant la lenteur du programme de transition et la corruption du Conseil suprême des forces armées (CSFA). Reportage.

"Nous sommes l'armée !". Cette phrase résonne dans la bouche de nombreux révolutionnaires interrogés sur leur lien avec l'institution. Le respect historique des Égyptiens pour leurs militaires demeure intacte mais les critiques envers le Conseil suprême des forces armées (CSFA), au pouvoir depuis la chute d'Hosni Moubarak le 11 février dernier, vont crescendo.

Sous une tente située place Tahrir, Hossam et Ziad, deux étudiants de 19 et 20 ans, tiennent à souligner la différence entre l'armée "dont les soldats, pendant la révolution, pleuraient et nous suppliaient de partir pour ne pas avoir à nous tirer dessus" et le CSFA "corrompu, qui torture des manifestants depuis des mois".

Les jeunes militants, qui campent sur le célèbre rond-point depuis une semaine déjà, reprochent aux généraux au pouvoir la lenteur des poursuites contre les membres de l'ancien régime. Comme des milliers de manifestants, ils réclament la chute du maréchal Tantaoui, autrefois adulé pour avoir refusé de tirer sur la foule pendant la révolution du 25 janvier.

Hossam craint que le procès de l'ex-raïs, prévu le 3 août, soit reporté : "Moubarak et Tantaoui travaillent ensemble depuis des années, il y a beaucoup de pression sur l'armée pour que Moubarak ne soit pas jugé".

En ce vendredi "du dernier avertissement", ils étaient des milliers à scander "maréchal dit la vérité, Moubarak est ton ami !"

Shaheen, 23 ans, soupçonne l'armée de "retourner les médias égyptiens contre les révolutionnaires, des radios et télévisions accusent par exemple les manifestants d'être instrumentalisés par des pays étrangers". Selon lui, "c'est leur plus grande arme".

Une autre tente attire l'attention des révolutionnaires, celle de la dizaine de manifestants ayant entamé une grève de la faim.

Rasha Yosri, 24 ans, ne se nourrit plus depuis mercredi. Elle veut faire entendre sa voix : "en Égypte, nous n'avons pas l'impression que les gens ont de la valeur. Les généraux sont comme des animaux, ils ne tiennent pas compte de nos sentiments". L'étudiante en psychologie réclame, entre autres, la fin des tribunaux militaires pour les civils.

Ahmed Al Oraby, 25 ans, membre du parti "Al-Karama"(parti nassérien), ne fait pas confiance aux militaires "qui ont trop d'intérêts dans le pays". Le jeune agronome explique : "ils ont des entreprises, des fermes, ils contrôlent 40 % de l'économie égyptienne! Ils vont perdre beaucoup s'ils transmettent le pouvoir au civil!".

Mais le peuple maintient la pression sur les généraux du CSFA, "des étudiants d'Hosni Moubarak", selon une militante.

Les élections législatives, initialement prévues en septembre prochain, pourraient être reportées d'un mois ou deux selon une source militaire. Une annonce qui a plutôt provoqué de la frustration chez les manifestants rencontrés sur la place révolutionnaire.

Ahmed, un ingénieur de 30 ans, s'insurge "nous n'avons pas viré Moubarak pour avoir une dizaine d'autres militaires à la place!"

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