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Grève à Orly : "Air Algérie se moque vraiment de nous"

Des centaines de voyageurs bloqués par la grève du personnel navigant de la compagnie Air Algérie patientent depuis lundi dans l’aéroport d’Orly en région parisienne. La patience a cédé la place à l’exaspération. Reportage.

13h : Les yeux sont rougis par le manque de sommeil, l’humeur est maussade et l’ambiance plutôt délétère. "Air Algérie se moque vraiment de nous !", hurle Nadia, une passagère bloquée depuis mardi. "J’ai dormi à même le sol, il n’y avait pas assez de lits de camp, ma fille de 4 ans n’arrête pas de pleurer et je ne sais pas combien de temps cet enfer va continuer". Un croissant dans une main, un biberon dans l’autre, Nadia jongle entre surveiller sa fille, ses bagages et les annonces. "Je sature là", lâche-t-elle.

Depuis lundi, une grève du personnel navigant commercial (PNC) sur la compagnie Air Algérie – qui réclame des revalorisations salariales - perturbe les aéroports de Paris, Nice, Marseille et Alger. Selon le PDG de la compagnie, 146 vols ont été annulés sur les 186 prévus. Et en cette période de vacances scolaires, les solutions de repli sont difficiles à trouver. À Orly, les annulations se succèdent, les passagers s’accumulent et la colère s’installe.

13h30 : Dans le hall surpeuplé, les commentaires se suivent et se ressemblent. "Je n’ai jamais vu un tel bordel, un tel manque d’organisation", enrage Berhezea, un père de famille. "J’ai payé 1 300 euros de billets pour ça !". Les guichets d’Air Algérie, pris d’assaut, sont vides. Aucun hôtel n’a été mis à la disposition des passagers. Air Algérie est aux abonnés absents. Les plus chanceux, s’ils n’habitent pas trop loin retournent chez eux, les autres restent.

Les explications quant aux reports des vols sont inexistantes. "On ne voit personne, on ne sait rien. C’est du grand n’importe quoi. Ici, les gens perdent patience, ils deviennent même un peu fous", confie Jamel, un adolescent de 17 ans, ipod sur les oreilles, bouteille de coca à la main. Lui, bloqué également depuis mardi avec sa sœur et sa mère, prend son mal en patience. "J’en ai vu qui se battaient hier, d’autres qui s’insultaient. En plus les bébés n’arrêtent pas de pleurer, c’est peut-être ça le plus dur", confie-t-il, "on ne dort pas la nuit".

13h45 : Un cordon de gendarmes fend la foule. Au milieu d’eux, un représentant d’Air Algérie, inapprochable. Armé de son mégaphone, il annonce, debout sur le tapis roulant des bagages, l’organisation de la journée : "Les avions affrétés aujourd’hui ne seront qu’à destination d’Alger. Nous embarquerons les passagers arrivés la veille. Les autres devront encore patienter". Ce sera tout. Pas d’horaire, pas d’indication sur le nombre de vols. Un flot de noms d’oiseaux s’abat sur lui. "Voleur", "Incompétent", "Incapable". Il refuse de répondre aux questions de France24.com et disparaît aussitôt, impossible donc d’en savoir plus. Le personnel d’Aéroport de Paris prend le relais tant bien que mal. "On leur distribue des sandwichs, de l’eau, mais on ne peut pas faire grand-chose de plus puisqu’on ne sait rien non plus", explique un agent d’escale qui se dit "harcelé de questions".

À chacune des apparitions du représentant – deux en trois heures -, c’est une cohue indescriptible qui se met en marche. Plus de 300 personnes se lèvent, rassemblent les enfants, cherchent les bagages manquants. "Il a dit d’aller par là !", lance l’un, "Mais non, le vol 1009, c’est au 4e étage", lance un autre. Les chariots se bousculent, se renversent, les insultes entre voyageurs fusent, et pour ne rien arranger, les lits de camp installés çà et là encombrent les passages. Seuls quelques enfants s’amusent de la situation. Courses de chariot, batailles d’eau…L’aéroport est un terrain de jeux géant pour eux.

14h20 : Les passagers attendent toujours l’avion promis pour Alger. Personne ne sait vraiment où aller. Assia et sa famille, assis sur un lit de camp, abdiquent. "On verra bien… J’en peux plus de ne pas savoir où chercher l’information. Demain, si mes parents n’ont pas embarqué, on laisse tomber", lance-t-elle.

Mais demain paraît loin, trop loin. "Depuis lundi, 10h, j’attends. Aujourd’hui, je m’en fiche, je monte dans un avion quelque soit la ville d’arrivée", lance Sabrina accompagnée de son petit ami. Comme elle, beaucoup n’ont que faire des rares annonces d’Air Algérie. Tous se pressent à la porte indiquée par le représentant de la compagnie sans même écouter la destination. "Que le plus rapide et le plus rusé monte en premier dans un avion", lance-t-elle. "Aujourd’hui je m’envole vers mon pays."