Deux mois à peine après avoir été sacré champion de Turquie pour la 18e fois de son histoire, le club de Fernebahçe doit faire face à un scandale de corruption. Au-delà, c'est tout le football professionnel turc qui est impliqué.
Des soupçons de tricherie pesant sur 19 matchs de la première division turque de football lors de la saison 2010-2011, et diverses malversations allant de l'exercice illégal de la fonction de manager aux menaces à l'encontre de joueurs, en passant par des irrégularités comptables, ont été mis à jour par les autorités locales.
Depuis une semaine, la justice turque a procédé à une soixantaine d’incarcérations dans le milieu du football. Des joueurs d'abord, mais aussi, et pour la première fois, des dirigeants de clubs figurent sur la liste. Parmi eux, Aziz Yildirim, président du Fenerbahçe, est accusé d'avoir acheté des matchs pour permettre à son club de remporter le 18e titre de son histoire. Club historique fondé en 1907, le Fenerbahçe domine le championnat depuis vingt ans avec deux autres clubs d'Istanbul : le Besiktas et le Galatasaray. Avant la victoire du Bursaspor, le club de Bursa, la saison dernière, il fallait remonter à 1984 pour trouver un champion turc non-stambouliote...
Des arrestations retentissantes
"Aziz Yildirim est un personnage important de la société civile et un président historique," explique à France24.com Xavier Barret, journaliste à l’hebdomadaire France Football. "Il a agrandi le stade, modernisé les structures du club, investi dans des joueurs de renom (le Brésilien Roberto Carlos y est passé et Mamadou Niang, ex-capitaine sénégalais de l’OM, y est titulaire, NDLR)… Mais le football est tellement politisé en Turquie que son arrestation pourrait bien être un coup à trois bandes, qui viserait le club, son président et le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, grand fan affiché du club," soupçonne Xavier Barret.
Çetin Cem Yilmaz, journaliste au journal Hürriyet Daily News, ne croit pas à cette théorie du complot. Pour lui, ce coup de filet inédit de la justice n'est que la mise en place d'une loi votée en avril dernier permettant aux autorités de mettre en examen des personnes soupçonnées de tricherie dans le football. "En 2010, une vaste opération de lutte contre des matchs truqués et des paris illégaux avait été lancée en Turquie, mais aucun dirigeant d'un tel niveau n'avait été inquiété. Grâce à cette loi, la justice a pu lancer une opération de grande échelle."
Une opération nationale
Le Fenerbahçe n’est pas le seul club visé par la justice turque. Jeudi, l’agence de presse turque Anatolie faisait état d’autres convocations de haut-vol. Le président du club de Sivasspor, les directeurs technique et sportif de l’équipe d’Eskisehirspor et le président du club stambouliote de Besiktas, autre poids lourd du football turc, ont également été convoqués au tribunal pour y être entendu.
Dans cette affaire, le Fenerbahçe risque la rétrogradation administrative en 2e division et un manque à gagner de 15 millions d’euros pour sa non-participation à la Ligue des champions. Serait-ce là le coût pour avoir un football propre en Turquie ? "C’est le fantasme de tous les supporters Turcs," rêve Çetin Cem Yilmaz.