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L'Allemagne se penche sur la constitutionnalité des plans de sauvetage européens

La Cour suprême allemande a commencé à examiner la constitutionnalité de l'aide versée par Berlin dans le cadre des plans de sauvegarde européens à la Grèce, à l'Irlande et au Portugal. Une procédure qui pourrait les remettre en cause.

AFP - Le ministre allemand des Finances est venu mardi se justifier devant les juges suprêmes allemands des milliards d'euros d'aides accordées par Berlin à ses partenaires européens, espérant bien les convaincre de la légalité de ces soutiens.

"Une monnaie commune ne s'en sort pas sans solidarité entre ses membres", a affirmé le ministre devant les juges de la plus haute instance judiciaire allemande.

Il a insisté sur les dangers que courait l'euro au printemps 2010, et sur la communauté de destin qui unit l'Allemagne au reste de l'Europe.

Le juriste de formation, membre le plus pro-européen du gouvernement d'Angela Merkel, a assuré que les aides consenties à Athènes, puis à Dublin et Lisbonne par le biais du fonds de stabilité européen (FESF), étaient non seulement nécessaires mais aussi conformes à la loi.

Tel est en effet l'enjeu de cette procédure dont le verdict, attendu à l'automne, sera décisif aussi pour l'architecture des futurs mécanismes d'aide en zone euro.

"Si la Cour devait limiter la marge de manoeuvre du gouvernement, les conséquences pour l'Union européenne et les marchés financiers seraient extrêmement graves", prévient Eckart Tuchtfeld, économiste de Commerzbank.

Car le jugement de Karlsruhe décidera aussi de la légalité du mécanisme européen de stabilité (MES), fonds de secours permanent qui doit assurer après 2013 le rôle de pompier de la zone euro. Ou des aménagements à apporter au projet pour respecter la loi.

"Nous nous trouvons maintenant engagés sur un chemin dont nous ne voyons pas le bout, et nous voulons savoir si ce chemin est le bon", résumait mardi avant la première audition publique l'universitaire Joachim Starbatty, l'un des plaignants de la première heure.

Avec d'autres euro-sceptiques notoires, M. Starbatty a porté plainte en mai 2010 contre l'aide à la Grèce.

A mesure des autres engagements de Berlin, une kyrielle d'autres personnes ont fait de même, dont des élus de la majorité. Les développements récents en Grèce, à nouveau au bord de la faillite, les confortent dans leur rejet des décisions prises l'an dernier.

La Cour avait rejeté la demande de référé attachée à la plainte initiale, qui visait à bloquer immédiatement le versement de l'aide. Cette décision laisse supposer qu'elle "soutient la ligne du gouvernement", veut croire M. Tuchtfeld de Commerzbank. Mais elle n'a pas encore rendu de jugement sur le fond.

Les juges examinent la conformité des aides à la fois aux traités européens -notamment à l'interdiction inscrite dans les traités pour un Etat membre de se faire renflouer par les autres ("no-bail-out-clause")-, et à la Loi fondamentale allemande.

Pour Peter Gauweiler, député conservateur, les plans de soutien successifs et la mise sur pied du MES constituent "une abrogation de fait de la souveraineté budgétaire" du parlement.

L'Allemagne, première économie européenne, est le plus gros contributeur à tous les plans d'aide. Sa part dans l'aide décidée en 2010 pour Athènes se monte à 22 milliards d'euros, sa contribution maximale au FESF pourrait dépasser les 200 milliards d'euros.

L'urgence dans laquelle ont été votées les lois correspondantes, et l'ampleur des sommes engagées donnent le vertige à plus d'un député.

"Aucune mesure significative pour la stabilisation de la zone euro n'est prise sans l'aval du Parlement", a assuré M. Schäuble mardi.

Mais il se pourrait bien que les juges ne l'entendent pas de cette oreille, et offrent des pouvoirs de contrôle supplémentaires aux élus qui voudraient être appelés à voter au cas par cas sur chaque utilisation qui sera faite du FESF et du MES.