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Le Premier ministre sortant a invité Yingluck Shinawatra à former un gouvernement avant même la publication des résultats définitifs. Sœur du milliardaire et ancien chef de gouvernement Thaksin, elle lui doit largement sa victoire. Portrait.

Thaksin Shinawatra dit de sa sœur Yingluck qu’elle est son "clone", pas sa marionnette. Les faits tendent à prouver qu’elle est un peu les deux : non seulement elle ressemble physiquement à son frère, ancien chef de gouvernement et milliardaire à l’immense popularité en Thaïlande, mais elle obéit à la stratégie politique dictée par celui qui vit en exil à Dubaï depuis 2006. Yingluck Shinawatra était une parfaite inconnue de la scène politique il y a moins de deux mois. Elle est en passe de devenir la première femme à accéder au poste de chef de gouvernement, à la faveur de la victoire du parti Puea Thai aux élections législatives.

"Elle n’y est strictement pour rien à cette soudaine notoriété", analyse Cyril Payen, correspondant de FRANCE 24 à Bangkok. "Thaksin a payé des conseillers en communication pour mener cette campagne électorale. Il se dit même, à Bangkok, que le directeur de campagne d’Hillary Clinton lors des primaires démocrates de 2008, aurait été recruté pour l'occasion. Et c’est lui qui aurait choisi cette femme âgée de 44 ans : elle parle comme lui et lui ressemble physiquement."

Yingluck est la petite dernière de neuf enfants, née en 1967 dans l'une des riches familles d'origine chinoise de la province de Chiang Mai, dans le nord du pays. Son CV affiche un diplôme de sciences politiques de l'université de Chiang Mai et un Master d'administration publique de l'université américaine du Kentucky. Elle a fait toute sa carrière dans des entreprises familiales jusqu'à prendre la présidence de la branche téléphonie mobile de Shin Corp., groupe de télécommunications fondé par Thaksin.

Un coup de poker magistral

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Au meeting avec Yingluck

Cyril Payen a pu mesurer, lors d'une rencontre récente avec Yingluck pour FRANCE 24, le dispositif de communication qui a "borné l'interview". "Il y avait des conseillers de partout. Sa campagne électorale a été extrêmement professionnelle. Mais elle n’a aucun charisme."

Ses discours de campagne ont tous débuté invariablement par une question : "Vous connaissez Thaksin ? Je suis sa petite sœur." "C’était un coup de poker magistral, mais ça a marché", poursuit Cyril Payen.

Le succès de Yingluck a été assuré en quelques semaines grâce à sa campagne électorale menée dans les provinces agricoles et pauvres, mais aussi auprès des travailleurs urbains et défavorisés, déjà acquis à l’immense notoriété de son frère milliardaire. A la tête du gouvernement de 2001 à 2006, Thaksin a construit sa popularité en mêlant diatribes populistes contre les élites urbaines et mesures sociales - salaire minimum, aide au développement, microcrédits, accès quasi-gratuit aux soins. 

Poussé dehors par les militaires, Thaksin vit à présent à Dubaï pour échapper à une peine de deux ans de prison pour malversations financières. Il est également poursuivi pour son soutien présumé aux violentes manifestations des "Chemises rouges",qui ont menacé le régime jusqu’aux fenêtres du monarque thaïlandais, au printemps 2010 (regarder ce sujet le dernier reportage de Cyril Payen : "La chasse aux sorcières").

Thaksin doit revenir au pays pour marier sa fille…

Après cette victoire du parti Puea Thai, le retour imminent de Thaksin au pays est dans toutes les pensées. "Lorsque j’ai posé la question à Yingluck, il y a quelques semaines, elle a nié en bloc, rapporte Cyril Payen. Elle a affirmé que son gouvernement sonnerait la fin des privilèges et des passe-droits, à commencer par ceux de son propre frère. Mais on sait que la question de l’amnistie est au cœur de négociations officieuses avec l’armée. Thaksin a d’ores et déjà félicité sa sœur pour sa victoire. Et il a programmé de venir pour le mariage de sa fille, en novembre ou en décembre prochain."

En attendant, Yingluck va devoir apprendre à tenir les rênes du pouvoir dans ce contexte délicat. "Pour l'instant, elle colle à ce que Thaksin lui a demandé de faire de façon très précise", note un diplomate occidental à Bangkok interrogé par l’AFP. "Je ne pense pas que nous ayons vu jusqu'ici ce dont elle est capable".