Au cours d'une conférence de presse commune tenue à Paris, les chefs de gouvernement russe et français ont publiquement affiché leurs désaccords au sujet d’une résolution de l’ONU condamnant les violences en Syrie.
Le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, et son homologue français, François Fillon, ont beau avoir longuement loué, au cours d'une conférence de presse commune, organisée ce mardi à Paris, la qualité des relations franco-russes, ils ont cependant publiquement affiché leur désaccord au sujet de la Syrie.
François Fillon s’est clairement positionné en faveur d’une saisine du Conseil de sécurité de l’ONU au sujet du conflit en Syrie, au cours duquel plus de 1 300 civils ont été tués et plus de 10 000 personnes emprisonnées, selon des ONG syriennes de défense des droits de l’Homme. "Nous voulons agir dans la légalité internationale […] Le Conseil de sécurité de l’ONU ne peut rester muet plus longtemps. Le moment approche où chacun devra prendre ses responsabilités", a estimé le chef du gouvernement français devant la presse réunie à Matignon.
De son côté, Vladimir Poutine a renouvelé sa farouche opposition à toute intervention internationale dans le pays. "Toute ingérence dans les affaires d’un État souverain [est] sans perspective", a-t-il affirmé. "La situation dans certains pays de cette région nous démontre que les choses ne deviennent pas meilleures après une intervention", a-t-il poursuivi, faisant notamment allusion à situation en Libye, où une intervention de l'Otan est en cours depuis plus de trois mois.
La Russie, alliée de longue date de la Syrie
"Fillon s’est montré déterminé à essayer de faire bouger la Russie, pour qu’elle renonce à son veto à l’ONU, pour une résolution qui ne prévoit pas l’usage de la force mais qui condamne la violence perpétrée par le régime de Bachar al-Assad, rapporte Jean-Bernard Cadier, spécialiste de politique internationale à FRANCE 24. Face à lui, Vladimir Poutine est resté inébranlable, extrêmement déterminé à s’opposer à toute résolution, arguant du fait qu’on ne savait pas ce qui se passait en Syrie."
En mars, la Russie s’était montrée très réticente à l’idée d’une intervention militaire internationale en Libye. Elle n’avait cependant pas usé de son droit de veto au cours du vote de la résolution 1973 au Conseil de sécurité – elle s’était contentée de s’abstenir –, ouvrant ainsi la voie à une opération dans le pays dirigé par Mouammar Kadhafi. Cette fois, les Russes, alliés de longue date de la Syrie, semblent déterminés à bloquer toute résolution contre le régime d'Al-Assad.
Ainsi, dans une déclaration publiée dimanche par le Kremlin, le président russe, Dmitri Medvedev, a condamné les violentes répressions des manifestations en Syrie mais a réaffirmé que son pays "usera de son droit de veto en tant que membre permanent du Conseil de sécurité". Estimant que les pays de la coalition avaient interprété la résolution 1973 de "façon abusive", Medvedev refuse qu'une "résolution syrienne soit traitée de la même manière".
François Fillon a reconnu "des approches différentes" sur la question syrienne. "Elles peuvent se rejoindre, a néanmoins assuré le Premier ministre français. Nous allons poursuivre avec Alain Juppé [ministre français des Affaires étrangères] la conversation au cours du déjeuner avec Vladimir Poutine au sujet de cette question extrêmement préoccupante."