
Plusieurs responsables de l'UMP voient d'un mauvais œil la primaire socialiste pour la présidentielle de 2012. Ouvert "à l’ensemble des sympathisants de gauche", ce vote s'apparente, aux yeux de la majorité, à un "fichage politique".
- Une primaire "ouverte"
Contrairement aux primaires de 1995 et 2006, qui étaient réservées aux militants socialistes, la consultation pour l’investiture socialiste à la présidentielle de 2012 est ouverte "à l’ensemble des sympathisants de gauche". Pour voter, il suffit d’être inscrit sur les listes électorales au 31 décembre 2011 et être âgé de 18 ans au moment du scrutin présidentiel. Les ressortissants étrangers qui adhèrent au Parti socialiste (PS) ou au Mouvement des jeunes socialistes (MJS) auront également la possibilité de glisser un bulletin dans l’urne, à condition de s’inscrire en ligne avant le 13 juillet.
Avant d’entrer dans l’isoloir, l’électeur devra signer une déclaration sur l’honneur "d’adhésion aux valeurs de gauche" et contribuer à hauteur de 1 euro aux frais d'organisation. Le vote se déroulera à bulletin secret uninominal.
Les candidatures devront être déposées entre le 28 juin et le 13 juillet 2011. La Haute autorité chargée par le parti de veiller au bon déroulement du processus validera la liste définitive des postulants le 20 juillet 2011. Le scrutin est prévu pour le dimanche 9 octobre 2011. Si un second tour est nécessaire, il interviendra le 16 octobre 2011. Pour l’heure, 11 socialistes se sont déclarés candidats, parmi lesquels les ténors François Hollande, Arnaud Montebourg, Ségolène Royal et Manuel Valls.
- L’UMP dénonce un "flicage"
Plusieurs membres de la majorité ont vivement critiqué les modalités du vote. Vendredi, le député UMP Édouard Courtial a saisi la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) pour faire interdire la primaire. Dans un courrier qu’il affirme avoir adressé à l’autorité, l’élu se dit "scandalisé par ce qui pourrait déboucher sur un véritable flicage des fonctionnaires territoriaux". En cause : les listes d’émargement qui permettraient aux responsables politiques locaux de "ficher" politiquement, par exemple, des employés municipaux qui auraient trahi leur sympathie aux idées de gauche en participant au vote.
Le secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé, est lui aussi monté au créneau, allant jusqu’à accuser le PS de "créer un gigantesque fichage politique". Plus mesuré, le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, a demandé au PS de fournir des "garanties" sur la destruction des listes d’émargement après le vote. De son côté, la ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, a réclamé des "garanties sur la préservation de l’anonymat des personnes qui vont voter".
- Le PS ne veut pas recevoir de leçons de l’UMP
Premier responsable socialiste à réagir samedi, le porte-parole du PS, Benoît Hamon, a estimé que l’UMP était "dans la paranoïa sans aucun fondement et dans la peur panique de voir la gauche réussir ce vote populaire". L’ancien Premier secrétaire du parti et actuel favori de la course à l’investiture, François Hollande, accuse la droite de vouloir empêcher la tenue d’une primaire à gauche. Ségolène Royal, elle aussi candidate, voit dans ces attaques un "prétexte" de la part de l’UMP pour empêcher une "réussite" du "souffle démocratique". Le secrétaire national en charge de la rénovation et candidat à la primaire, Arnaud Montebourg, a assuré, dimanche, que les listes ne seront "pas à la disposition des maires" et que tous les documents seront "détruits immédiatement". Les cadres du parti encadrant le scrutin y auront en revanche accès.
Avant que n’éclate la polémique, le PS faisait déjà savoir que "les listes d'émargement […] ne seront pas publiques [et] seront détruites après l’investiture du candidat du parti socialiste pour les élections présidentielles et, en tous les cas, avant le 30 avril 2012. Les données contenues dans le fichier central informatisé seront supprimées dans les mêmes conditions."
Lundi matin, au cours d’un point presse au siège du PS, rue de Solférino, à Paris, le secrétaire national à la communication et à la mobilisation, David Assouline, a détaillé le parcours des listes d’émargement censé garantir l’anonymat : arrivées sous scellés dans le bureau le jour du vote, elles seront ensuite ouvertes par le président devant ses assesseurs. À la fin du vote, un nouveau scellé sera apposé, le tout sera envoyé aux fédérations départementales qui les conserveront jusqu’à un éventuel second tour.
À la fin du second tour, les listes seront remises sous scellés et prendront la direction de la Haute autorité qui, après vérification des résultats, "détruira immédiatement devant huissier par incinération et devant la presse" les listes d’émargement. David Assouline a proposé à l’UMP d’"envoyer des observateurs dans [les] bureaux de vote si elle le souhaite". Non sans accusé, au passage, la majorité : "En matière de fichage et d’atteintes aux libertés collectives et individuelles, Nicolas Sarkozy et l’actuel gouvernement ont fait très fort depuis qu’ils sont en place."
- La Cnil donne son satisfecit
Saisie officiellement le 26 avril 2011 par le PS, la Cnil a constaté que celui-ci avait "suivi la majorité de ses préconisations", concernant, entre autres, la destruction des listes de vote ou la préservation de la confidentialité des données. L’autorité recommande toutefois de "renforcer le niveau de protection" de certaines données et, notamment, la radiation des noms des personnes qui le demanderaient des listes électorales "papier" gérées dans les bureaux de vote.
Contactée par France24.com, la Cnil indiquait, à la mi-journée de lundi, ne pas encore avoir reçu le courrier du député Édouard Courtial, mais affirmait avoir reçu une dizaine de courriers de parlementaires de la majorité dénonçant les modalités de la primaire socialiste. Dans une interview à l’AFP, Alex Türk, président de la Cnil, a déclaré que son autorité "n'a aucun pouvoir d'autorisation, ni d'interdiction, contrairement à ce que racontent les gens".